Les
chiennes de garde fin
2001
Au
sujet de la pb par
Isabelle Alonso
La pub est destinée à faire consommer. Elle n'a pas d'autre message ni d'autre intention. Elle nous présente un monde que d'aucun-e-s qualifieront d'idéal et d'autres de mensonger. En tout cas un monde parfaitement fictif. Il s'agit de faire vendre. Il s'agit de ne refléter du monde que ce qui pousse la-e consommatrice-teur à acheter. Dans la pub les voitures roulent en silence sur de somptueuses routes désertes, les shampooings à dix balles font des cheveux de soie parfaitement disciplinés, le sang des règles est plus bleu que celui des Windsor et les nouveau-nés nagent comme Esther Williams et Muriel Hermine réunies. Bref, la pub nous ment pour nous faire rêver, et elle nous fait rêver pour nous faire acheter. Ça décolle dans le conte de fées et ça atterrit en compte d'apothicaire. La pub, ses affiches, ses écrans, ses photos et ses slogans ont envahi notre quotidien au point qu'il faudrait être Hellen Keller (célèbre américaine sourde, muette et aveugle) pour avoir une chance d'y échapper. Et encore. La pub grignote l'espace et le temps. Elle nous est imposée. On peut ne jamais fréquenter cinéma ni théâtre, laisser la télé éteinte, ne jamais lire la presse et n'avoir plus de piles à son transistor. Mais on ne peut pas échapper à la pub. On ne peut plus. Sur le net même, l'espace sans pub diminue comme une réserve indienne. Au téléphone, on peut désormais parler ''gratuitement'' sur un portable à condition que la conversation soit régulièrement interrompue par des spots. La pub est certainement la seule pratique culturelle (dans le sens d'expression d'une culture) disponible en permanence à toutes et tous. Il existe un adjectif pour qualifier un phénomène auquel tout-e citoyen-ne est soumis qu'il-elle le veuille ou non : totalitaire. La propagande n'utilise pas d'autres méthodes. On pourrait objecter que le message de la pub ne s'adresse qu'à notre portefeuille et que l'on ne saurait y trouver aucune connotation idéologique. On pourrait, mais on aurait tort. La pub ne se contente jamais de décrire un produit. Elle nous l'habille d'illusions, elle nous le peint aux couleurs de la séduction. Et alors? Condamnable, la séduction? Pas forcément. Mais la pub détermine notre perception du monde. Elle formate nos désirs. Des vacances réussies, une famille exemplaire, un physique normé, l'énergie adolescente d'une gomme à mâcher super glamour, le baiser autour d'un sandwich à la viande hachée. Elle parle avec des images dont la seule légende est : achetez. Elle crée un environnement sans alternative, elle nous intègre de gré ou de force dans la consommation comme but unique de l'existence, recette d'un bonheur automatique. Elle interprète la réalité, elle présente un modèle, de comportement ou de look, qui pèse lourd sur notre représentation de nous mêmes. Le miroir qu'elle nous tend est celui dans lequel elle aime nous voir. Du monde qu'à la fois elle reflète et nous propose, elle n'exprime et ne peut exprimer que l'idéologie dominante. Dans notre monde androcentré, le regard de la pub a des yeux masculins, même quand la cible est la célébrissime ménagère de moins de cinquante ans. La pub est une grosse machine de production qui décide de la manière de s'adresser aux uns et aux autres. Cette machine s'exprime au masculin, et c'est au masculin que se conjugue la manière dont elle interpelle et utilise les femmes. Ce ne sont pas les femmes qui parlent. L'image des femmes dans la pub n'échappe donc pas à la règle classique : bimbo écervelée ou ménagère simplette, conne ou bécasse, selon la divine alternative habituelle. L'image des femmes que les vendeurs tendent aux acheteurs ne diffère guère de l'image habituelle des femmes dans les médias. Nous n'avons pas affaire à l'image que les femmes ont d'elles mêmes, mais à l'image que les hommes ont d'elles.. La fonction de cette image des femmes est de flatter et de consolider l'identité des hommes, à coups de gros budget. Ça coûte cher de définir le monde ! Tout ce qui coûte cher appartient aux hommes, est contrôlé par les hommes, et utilise les femmes comme un ingrédient parmi d'autres. Il n'est pas trop compliqué ni subtil de constater que certaines pubs constituent une insulte vis-à-vis des femmes. Elles affirment des préjugés éculés, confirment des idées toutes faites, des clichés préjudiciables à leur image. Ce faisant, elles viennent renforcer tout le système de mépris, de dévalorisation qui constitue la trame de la misogynie ambiante. Cependant, les voies de notre portefeuille, dont il est question plus haut, ne passent pas par la rationalité de notre faculté d'analyse. Le message publicitaire s'adresse direct, sans décodeur, aux obscures profondeurs de notre inconscient. Là où c'est perso. Très perso. Il brouille les pistes. Telle pub qui vous fera l'effet d'un uppercut au foie avec remontées nauséeuses n'éraflera même pas la rétine de votre voisine, et provoquera éventuellement une fugace érection mentale chez votre voisin. Certes, la pub utilise les femmes, elle les objective, elle les idéalise, elle en donne une image réductrice, elle reflète le mépris dont elles sont l'objet. Elle est un véhicule du sexisme ordinaire. Mais elle peut se révéler moins simple à analyser qu'il n'y paraît, ne serait ce que parce que les concepteurs eux mêmes n'en maîtrisent pas forcément les ressorts et les effets. Dans une société qui ne débat pas de la répartition du pouvoir en fonction du sexe, où la question de la domination masculine n'est que rarement posée, il est important, quand on dénonce les ravages de la pub sur l'esprit de nos contemporain-e-s, de bien situer l'analyse dans le contexte du machisme ambiant. Des messages apparemment anodins ne le sont plus si on les place dans la perspective de la permanence de la domination d'un sexe par l'autre. Une pub sexiste constitue une insulte collective à toutes les femmes. L'insulte peut se passer de mots. On se sent souvent insultée par une image. Une insulte, adressée individuellement à UNE femme, atteint symboliquement toutes les autres, et nous analysons la signification et la fonction collectives d'un épisode vécu individuellement. La pub fait le trajet inverse, elle impose un message de masse, reçu par un grand nombre de femmes, et nous en mesurons l'impact sur l'individu, par le texte, et aussi par l'image. Changement de direction, mais le sens reste le même : il s'agit du mépris des femmes. Pour l'heure, vous exprimez et comparez vos opinions, indignations et analyses sur le forum. Continuez à faire de la pub à vos idées sur la pub ! Et n'hésitez pas à suggérer des actions, à les entreprendre et à les assumer ! !
Les
Sciences Potiches se rebellent 2001-2
Contre
les pubssexistes "Combats"
< www.spsronline.org
Contre toute usage iconographique qui méprise l'intégrité physique des femmes. Contre tout argument qui blesse moralement les femmes. Contre la violence symbolique que contient chacun de ces énormes panneaux d'affichage montrant une femme nue semblant prête à exécuter un quelconque désir masculin. Non à cette discrimination trop souvent banalisée et tolérée ! Les Sciences Potiches se rebellent sont signataires du Manifeste contre les publicités sexistes.
La publicité véhicule des clichés sexistes qui enferment les femmes dans des rôles prédéfinis par les hommes. La publicité participe de cette oppression sociale qui érige des normes insupportables et nourrit des stéréotypes stupides. Les publicités Hollywood et Multimania joue sur l'image typique de la blonde : bimbo écervelée qui ne peut compter que sur son physique. Souvenir : les blagues sur les blondes, mais que celle ou celui qui n'en a jamais fait jette la première pierre. Pourtant, au Québec, une "blonde" est une femme. Mais depuis quand la couleur des cheveux -comme celle de la peau- détermine-t-elle les capacités intellectuelles d'une personne ? Ce genre de lieu commun est à la racine du sexisme et du racisme ordinaire, ordinaire mais agressif. Il touche toutes les femmes en leur refusant un statut égal à celui des hommes, pourquoi ? Car elles sont femmes donc intrinsèquement inférieures. Mais peut-être serait judicieux de faire la différence entre le résultat d'un processus historique et social et la biologie, peut-être faudrait-il mettre en avant les droits des êtres humains au lieu de se la jouer darwiniste ? Sinon, autant abandonner la jolie inscription sur les frontons de nos mairies, sinon, pas la peine d'être aussi fier de l'universalisme des valeurs que porte le projet politique de la France.
Chez Hollywood comme chez Minelli, on retrouve le même genre de clichés, la brune comme la blonde ne sont pas assez intelligentes pour réussir sans coucher, sans séduire, sans user de leurs charmes. La femme est d'ailleurs réduite à ses jambes dans les deux cas, réduite à une partie de son corps pour vendre des godasses et des chewing-gums... L'abus de ce genre de clichés contribue à faire passer les femmes pour des salopes idiotes mais plus grave, légitime le harcèlement sexuel. Pourquoi nécessairement dégrader l'image des femmes, entacher leur dignité, dans un but purement mercantile ?
La pub Rosières, quant à elle, véhicule l'autre stéréotype le plus fréquent : la femme doit faire la popote à son petit mari chéri qui revient fatigué du travail, alors qu'elle, a du se prélasser sur le canapé toute le journée, en faisant des mots fléchés (les mots croisés c'est trop compliqué…). Le pire, c'est qu'elle parle à la cuisinière, entre cuisinières, ça se comprend...La femme est réduite à un appareil ménager parmi d'autres, utile et complémentaire (on ne peut pas baiser une cuisinière électrique...). Encore une fois, des normes sont imposées par les hommes pour leur petit confort, la double journée de travail des femmes et la nécessité du partage des taches sont oubliés. La publicité impose des modèles sociaux que l'on voudrait archaïques.
La publicité met en scène des fantasmes masculins infériorisant les femmes. Les pubs type Weston et Gucci représentent le summum : la femme-esclave, soumise et disponible, aux pieds de l'homme, dans les deux sens, évidemment. L'exaltation de la virilité triomphante, des abdos d'acier et de la domination masculine cohabite avec l'idée que les femmes doivent être à la disposition des vrais mecs, ceux qui on les bonnes godasses pour les piétiner. On peut difficilement faire mieux dans la pub sexiste.
Dans la lignée, la pub Paco Rabanne, pour XS, exhorte les hommes au "stop thinking" quand ils rencontrent une femme sexy. Libérer ses impulsions n'a en effet rien de dangereux et il s'agit de ne surtout pas arriver au stade de penser qu'elle n'est peut-être pas d'accord. Exhortation au viol? J'y vais un peu fort? Juste un peu alors. C'est sous-entendu mais c'est là. Remarquons qu'une fois de plus la femme est réduite à une paire de jambes et un vagin. L'homme est assis mais pas présenté comme passif puisqu'il est présupposé que c'est lui qui doit agir. Un cliché de plus, un schéma de domination supplémentaire.
Autre fantasme masculin, celui de se faire sauver de la noyade par Pamela Anderson, de sortir du coma grâce à un bouffée d'air sensuellement insufflée par une gentille infirmière à poil sous sa blouse et avec des gros seins. Vassarette joue là- dessus et présente la femme comme une salope, bien à cheval sur monsieur le pompier. Elle lui redonne de l'air d'une façon si professionnelle que l'on comprend qu'elle soit partiellement dénudée...
La pub de Canal + est encore plus stupide ? encore plus sexiste ? encore plus discriminante ? Encore plus tout ça. Elle utilise sciemment, uniquement, et en zoom, les parties du corps féminins pour faire l'éloge d'un produit qui n'a rien à voir, un site internet. Bouche, seins, cul = le site de Canal. Allez-y, c'est comme les femmes, c'est en accès libre, enfin presque, moyennant un petit abonnement internet... Que le site soit encore plus interactif, ludique et attrayant, d'accord, peut-être, mais que l'on utilise le corps des femmes pour vendre un truc qui n'a rien à voir, non. Il n'y a pas de raison pour qu'elles soient mises à toutes les sauces par les publicitaires pour vendre tout et n'importe quoi. Les femmes ne sont pas un outil de marketing ni un argument de vente, mais des êtres humains à part entière, à égalité avec les hommes. Et ce n'est pas parce que l'on voit ici une cyberfemme, que la dignité des femmes réelles n'en est pas entachée.
La publicité Magnum n'est pas ambiguë, elle exhorte les femmes à manger des magnums pour sortir de leur détestable condition de femme et devenir de vrais mecs. C'est une barre " pour homme ", qu'est-on censé en déduire ? Que c'est trop bon pour les femmes ? Franchement, Magnum pour un monde d'hommes ? Ridicule. Le symbole phallique de la barre, on l'a vu, une " barre " qui fait de vous un homme... Justement, la phallocratie, pas trop...
Les femmes sont constamment rabaissées au rang d'objet, voire pire. La pub Opium a fait tant scandale, mais pourquoi ? pourquoi s'offusquer devant la nudité ? L'image d'une femme aussi offerte, "à prendre", les jambes écartées, dont la nudité est accentuée par ses bijoux, ses chaussures et son maquillage, donne encore cette image de la femme-esclave, à disposition de l'homme, de la prostituée de luxe qui attend Monsieur . Elle contribue aux attitudes agressives de certains, alimente le sexisme par un effet de voyeurisme, fait des femmes des objets de plaisir.
La publicité Mercedes refuse même le statut d'objet aux femmes, puisque la voiture est au-dessus, largement. Elle fait battre le cœur des hommes plus vite que cette femme résumée à ses sous-vêtements, autrement dit, à ces parties sexuellement dignes d'intérêt. Comment, après de tels traitements visuels des femmes, peut-on espérer des progrès en matière d'égalité ? Il est insupportable et inacceptable d'être ravalées au rang de stimulatrices d'hormones.
Après les voitures, les animaux. Les pubs Worldonline et Chloé placent au même niveau femmes et animaux. Dans la première, monsieur, qui, lui, sait se servir d'internet, laisse en rade sa femme et son chien, tous les deux aussi passifs, pas contents, dépendants du maître, attendant d'être " nourri ". Il est incroyable que des publicités comparent implicitement des femmes à des animaux de compagnie. Dans la pub Chloé, la thématique serait plutôt celle du pur sang, et le femme est présentée comme aussi "performante" qu'un étalon, faut voir le grand écart..., et le symbole du fruit défendu. Ce n'était pas une pomme, hé non, mais un ananas. C'est quand même plus exotique. En tous cas, c'est interdit, c'est donc que ça doit être intéressant. On ne peut pas nier que la mannequin est représentée comme un produit vraiment hors pair, que met évidemment en valeur son maillot de bain Chloé. Le corps des femmes est décidément un outil de vente sans cesse utilisé, ce qui pousse évidemment à la déshumanisation de leurs " propriétaires ".
Think different...think sexist. Pepsi utilise évidemment l'image de Cindy Crawford, mais c'est aussi celle d'une femme, enfin, une femme réifiée, avec un emballage, consommable... La mise sur le même plan de la femme et de l'objet est plastique et claire, cependant ce n'est pas la bouteille de Pepsi qui est humanisée, non, non, mais les femmes qui sont chosifiées. " A consommer immédiatement sur le comptoir ..là tu rêves " : la limite n'est même pas posée parce que c'est une femme, ce qui serait louable, mais parce que Cindy est inaccessible au commun des mecs... Pour les autres, par contre, servez-vous! Intolérable.
Les publicités Isotoner et Brother sont des exemples clairs de la banalisation de la violence faite aux femmes, un oubli de toutes ces victimes de violences domestiques (une femme sur dix en France), une normalisation de l'inacceptable. Coup de soleil ? Gifle ? Pudeur ? Tout est sur la même échelle car il est peu fait cas de ce que pourrait ressentir une femme . Mais quand est-ce que les publicitaires traiteront les femmes en êtres humains ?
Post-exposition
: Le Monde du 11 juillet présente plus exhaustivement le rapport Péry et les
projets du gouvernement, ainsi que les résultats d'un sondage sur l'opinion
des Français aux pubs sexistes et les réactions de publicitaires, annonceurs
et directeurs en communication à ce rapport. Les articles et les détails du
sondage sont accessibles sur le site du Monde, édition du 11 juillet).
On ne résiste
pas à la tentation du vous citer Patrick Lara, concepteur de la publicité
Isotoner : " il n'y a rien de discriminant. En dehors de la
presse, il n'y a eu aucune réaction d'association de défense de l'image de
la femmes. S'il y avait eu un problème énorme, on aurait pu retirer la campagne.
"Et Pascale
Weil, directrice du Planning stratégique du groupe Publicis
: " le destinataire [de la publicité], homme ou femme, a le droit et le pouvoir
de dire oui ou non, par ses comportements d'achats et ses propos" Vous savez
ce qui vous reste à faire… Boycottez, manifestez, refusez ! ! !
Le
Monde 09 février 2002
manifestation contre une publicité mettant
en scène Lætitia Casta avec des vêtements déchirés
par Eric Nunès
"Plusieurs organisations féministes appellent à manifester samedi 9 février devant les Galeries Lafayette à Paris, pour protester contre une publicité mettant en scène Lætitia Casta avec des vêtements déchirés et un oeil au beurre noir qui évoque, selon l'organisation La Meute," les violences conjugales dont sont victimes en France 14 millions de femmes " . La Meute devrait par ailleurs lancer une campagne sur le thème "Publicité sexiste ? Je n'achète pas !", le 8 mars, date de la Journée internationale des femmes. 11 février Elles se sont donné rendez-vous à l'angle du boulevard Haussmann et de la rue de Mogador, à Paris. Là, une cinquantaine de membres de "la Meute" bravent le vent et la pluie, samedi 9 février, pour manifester contre la publicité sexiste et dénoncer leur icône de la communication dégradante pour les femmes : les Galeries Lafayette. Depuis trois ans, la Meute (groupe contre la pub sexiste) s'émeut de tout ce qu'elle considère être un dérapage pour l'image de la femme en matière de publicité. "La sexualité, c'est magnifique, mais cela doit rester à la maison, pas dans la rue", explique Florence Montreynaud, chef de la Meute. Nombreuses sont les marques, à la communication sexy, qui se sont attiré ses foudres : les chaussures Weston, La City, les glaces Magnum, la Croix-Rouge française, C & A, Eram, Lavazza... La cible de leur attaque du jour ? Une affiche pour les soldes du grand magasin où la belle Laetitia Casta sourit en tenant un cœur. "Ce sourire n'efface pas les signes de violences qu'elle porte, cheveux ébouriffés, oeil au beurre noir, col de chemise arraché. Une femme battue, en somme. Si vous êtes victime, vous êtes une vraie femme. C'est le message que veulent faire passer les publicitaires", dénonce Florence Montreynaud. Œil au beurre noir grimé en signe de solidarité envers les femmes battues, la Meute manifeste dans une ambiance bon enfant. Seuls quelques malheureux conducteurs qui se sont aventurés rue de Mogador ce samedi ont à en pâtir. Quand un automobiliste téméraire tente de forcer le passage, une manifestante se couche sur son capot et réduit ses essuie-glaces en allumettes. L'automobiliste reste sagement dans sa voiture : la Meute pourrait montrer les crocs. Des tracts circulent, une banderole est tirée sur la passerelle qui raccorde les magasins, la sécurité des Galeries Lafayette intervient énergiquement et fait redescendre les membres de la Meute dans la rue. Les chants antisexistes reprennent sur l'air de la Carmagnole. Arrive le leader de la contestation de Mai 68, Daniel Cohn-Bendit ! "Je passe ici par hasard", s'excuse le député européen, traversant les rangs de la Meute, sourire goguenard aux lèvres. "Ce que nous voulons, c'est une loi antisexiste, clame Florence Montreynaud, les socialistes ont peur de faire une loi anti-macho. Pourtant, la réglementation en place pour contrôler les communicants ne fonctionne pas. Il faut une commission constituée pour moitié de machos, pour moitié de féministes, qui trancherait a posteriori si une publicité est sexiste ou pas." Les débats promettent d'être animés.
La
Meute - Communiqué 09 février 2001
LA VIOLENCE
DES SOLDES
Sur l'affiche pour les soldes des Galeries Lafayette, Lætitia Casta sourit en brandissant un petit coeur. Ce sourire ne peut effacer les signes de violence qu'elle porte : oeil entouré d'une grosse tache bleu foncé, col de chemise arraché aux deux tiers, cheveux ébouriffés, vêtements froissés, poignet déboutonné, lacet dénoué. Les autres photos de la série due à Jean-Paul Goude utilisent la beauté ou la nudité de Laetitia Casta en illustrant d'autres clichés sexistes. L'affiche pour les soldes joue sur le thème de la violence : on veut nous faire croire que des clientes se sont arraché des marchandises à coups de poing. De même, un autre grand magasin, C & A, a choisi une publicité avec deux femmes se battant pour un vêtement. Quel mépris pour leurs clientes dans cette image de mégères, dans cette mise en scène de violences entre femmes ! Dans le métro, dans la rue, des milliers d'affiches banalisent ainsi des images de femmes brutalisées. Ces campagnes, qui nous sont imposées dans le paysage urbain, sont en elles-mêmes une violence. La réalité : il y a en France au moins deux millions de femmes victimes d'un mari ou d'un compagnon violent ; combien de femmes aussi sont victimes de viols ou de violences commis par d'autres hommes ! Combien de filles brutalisées par des garçons à l'école ou dans la rue ! Pour toutes celles qui subissent des violences sexistes, pour toutes les personnes qui dénoncent celles-ci, un oeil au beurre noir ou des vêtements déchirés ne sont pas un sujet de plaisanterie. Il est inadmissible de les utiliser comme argument commercial. L'humour ne peut pas servir de prétexte pour faire passer un message qui banalise la violence et qui renforce des clichés sexistes. Le 24 avril 1999, beaucoup d'entre nous manifestaient devant les Galeries Lafayette, à Paris, qui exhibaient dans trois vitrines des mannequins vivantes en sous-vêtements. Le 9 février 2002, nous viendrons en nombre manifester devant les Galeries Lafayette pour dire NON à la banalisation des images de violence, NON à la publicité sexiste, OUI à une loi antisexiste !
Téléobs
2001
Les mauvais coups Des
racines et des ailes :
violences conjugales
Ce sont des femmes
aux yeux tristes qui tentent d'oublier les orages et la peur. Des femmes,
surtout, qui s'efforcent de croire encore à la vie. Mais on n'efface
pas ainsi les ombres du passé. Avec des réticences et de soudains
silences, à mots couverts, à mots perdus, elles disent cette
souffrance accumulée qui les a menées jusqu'ici, dans ce centre
SOS Femmes-Dordogne de Périgueux. " Quand il ne buvait pas, c'était
le plus gentil des hommes. " " Il m'a fallu beaucoup de temps pour
ouvrir les yeux. "
Il leur faut du temps en effet, de longues années souvent, avant de
comprendre et d'admettre qu'un homme qui bat sa femme n'est pas la norme -
même si la réalité du terrain peut sembler attester le
contraire. Ainsi en France, aujourd'hui, une femme sur dix âgée
de20 à 60 ans est victime de violences conjugales, allant des insultes
quotidiennes (d'après les chercheurs, " les violences psychologiques
et verbales répétées sont aussi destructrices que les
agressions physiques ") jusqu'aux coups mortels. Selon certaines estimations,
plus d'un million et demi de femmes seraient en danger potentiel à
leur domicile. A Paris, chaque mois, six femmes meurent des suites des blessures
infligées par leur compagnon - la moitié des femmes tuées
depuis dix ans dans la capitale l'ont d'ailleurs été par leur
conjoint ! Hélas, souvent les femmes battues se taisent : trop de honte,
trop de culpabilité. Trop de peur aussi. Finalement la plupart d'entre
elles s'en sortent par la fuite. Dans quel état !
[
] Constamment au bord des sanglots, elles se tiennent tendues, les
mains crispées sur un kleenex, le corps agité de tremblements.
" Il me battait devant mes enfants.[
] " (selon un rapport
récent, l'enfant, qui est dans 68% des cas témoins des coups,
développe un sentiment de culpabilité qui entraîne des
troubles psychologiques et de comportement). [
]
Hélas, selon un spécialiste : " 80% des femmes victimes
revivent ensuite avec le même partenaire " ! Ainsi, dans ce reportage,
nous suivons Lydia, victime de violences régulières de la part
de son compagnon, le soir où elle se décide enfin à porter
plainte. Traits creusé, yeux fiévreux, le visage de Lydia, zébré
d'une profonde balafre, dit à lui seul ce que doit être sa vie.
[
] son " copain " qui l'a massacrée l'attende devant
la porte ! Instantanément on voit la peur déferler en elle.
Dans la rue l'homme, entouré par les policiers, hurle sa fureur : "
Je vais la gifler ", " tu vas pleurer jusqu'à ta mort !
" Dans le couloir lydia, pétrifiée, gémit d'une
voix blanche : " Ils vont lui faire du mal !
" [
] Richard
Cannavo
Des sévices subis dans l'intimité
du couple 2001
Une enquête montre que la moitié des viols
sont commis par un conjoint ou un ex.
C'est à
Toulouse, où se tenait hier le procès d'assises pour viol conjugal,
que la secrétaire d'Etat aux Droits des femmes avait choisi de célébrer,
la semaine dernière, la journée mondiale de lutte contre les
violences faites aux femmes (En mémoire de quatorze femmes assassinées
le 6 décembre 1989 à l'école polytechnique de Montréal,
par un homme qui déclarait haïr les féministes.).
En rappelant ce chiffre: une femme sur dix a subi, en 1999, des "situations
répétées de violences verbales, psychologiques, psychiques,
voire sexuelles". La secrétaire d'Etat Nicole Péry se basait
sur les conclusions de l'Enveff (Enquête nationale sur les violences
envers les femmes en France), une étude commanditée par ses
services et rendue publique en octobre.
"Devoir conjugal". Première du genre, conduite par des démographes
et sociologues, l'Enveff livre, entre autres, deux données majeures
(L'enquête a été menée sur la base d'entretiens,
de mars à juillet 2000, auprès de 6 970 femmes âgées
de 20 à 59 ans.). Les viols d'abord: 0,3 % des répondantes affirment
avoir été violées durant les douze derniers mois - ce
qui, en extrapolant à la population française, donne, selon
Nicole Péry, le chiffre de 48 000 victimes de viols en 1999-2000. Les
violeurs ensuite: 47 % d'entre eux seraient, d'après les femmes interrogées,
un conjoint ou ex-conjoint. En tout cas, un proche, qu'il soit le mari ou
le père ou le collègue - seuls 12 % des rapports forcés
seraient, selon ces femmes, commis par des inconnus.
Surprenant? Pas vraiment, dit Viviane Monnier, déléguée
nationale de la Fédération solidarité femmes (Regroupant
des dizaines d'associations, la Fédération a créé
en 1992, à la demande du secrétariat d'Etat aux Droits des femmes,
un service d'écoute, baptisé Violence conjugale femmes info
service: 01 40 33 80 60.). "Certains hommes croient que le sexe fait
partie du contrat: c'est l'héritage du fameux "devoir conjugal"
que se sentait autorisé à exiger le "chef de famille"."
Hier totalement ignoré, le viol conjugal est désormais "reconnu"
par la loi. Les textes du nouveau code pénal, en 1994, renforcés
en juin 2000 innovent doublement. D'abord en créant une infraction
spécifique de violences exercées par le conjoint - un délit
puni de trois ans de prison et 300 000 francs d'amende (En 1999, selon les
chiffres du casier judiciaire, 6 847 condamnations de ce type ont été
prononcées en France.), même en l'absence d'incapacité
de travail - et en établissant comme "circonstance aggravante"
le fait que les crimes ou délits (de l'attouchement au viol en passant
par la violence physique) soient commis par le conjoint.
Coups. Pourtant, malgré ces dispositions, malgré une circulaire
interministérielle de 1999 contre les violences conjugales, malgré
les prospectus distribués dans les tribunaux ou en mairies, malgré
la sensibilisation des "écoutants" (médecins, policiers,
gendarmes...), peu de dossiers de ce genre arrivent devant la justice. Surtout
en ce qui concerne les viols. "C'est difficile de porter plainte contre
quelqu'un avec qui on vit, ou qui peut encore exercer des menaces contre vous
ou vos enfants", dit Viviane Monnier. Plus que tout, il s'agit encore
d'un tabou. "Les femmes parlent d'abord des coups, puis des violences
sexuelles." Avec difficulté. Pourtant, selon des travaux menés
l'an dernier par le professeur Henrion, membre de l'Académie de médecine,
tout est lié. "Les violences physiques ne sont jamais isolées
mais accompagnées d'injures, de menaces et précèdent
le plus souvent des rapports sexuels forcés." Et même si,
selon Viviane Monnier, les femmes "parlent plus qu'avant et quittent
plus vite" un conjoint violent, le risque est grand. Quand elles restent.
Selon une étude menée par Dominique Lecomte, chef de l'Institut
médico-légal de Paris, sur 652 femmes victimes d'homicide, entre
1990 et 1999, 85 % des meurtriers sont un mari, un concubin ou un intime.
Sévices
commis par un partenaire intime
Dans le monde entier, les sévices commis par les maris ou par d'autres
partenaires intimes sont l'une des formes les plus fréquentes de violence
contre les femmes. La violence exercée par les partenaires existe dans
tous les pays et transcende les groupes sociaux, économiques, religieux
et culturels. Bien que les femmes puissent elles aussi être violentes
et bien que les sévices existent dans le cadre de certains rapports
entre personnes du même sexe, la vaste majorité des incidents
sont le fait d'hommes qui attaquent leur partenaire féminin.
Bien que les recherches portant sur les sévices commis par un partenaire
intime ne fassent que commencer, on est de plus en plus d'accord au sujet
de leur nature et des divers facteurs qui en sont la cause. Souvent appelés
" attaques contre la femme ", " coups et blessures " ou
" violence domestique ", les sévices causés par un
partenaire intime font généralement partie d'un schéma
de comportement et de contrôle abusif, au lieu d'être un acte
isolé d'agression physique. Les sévices commis par un partenaire
peuvent prendre toutes sortes de formes, y compris une attaque physique par
coup de poing, gifle, coup de pied et raclée, des sévices psychologiques,
tels que critiques constantes, intimidation et humiliation, et des rapports
sexuels coercitifs. Il s'agit souvent de comportements visant à exercer
un contrôle, par exemple en isolant la femme de sa famille et de ses
amis, en surveillant ses mouvements et en limitant son accès aux ressources.
Ampleur du problème
Dans près de 50 enquêtes démographiques effectuées
dans le monde entier, de 10 % à plus de 50 % des femmes déclarent
que, à un certain moment de leur existence, elles ont été
frappées ou ont subi des sévices physiques des mains d'un partenaire
intime (voir Tableau 1). Les données du tableau 1 ne concernent que
les femmes qui ont subi une agression physique. Les recherches portant sur
la violence entre partenaires sont si récentes qu'on possède
peu de données comparables sur les sévices psychologiques et
sexuels.
La violence physique dans le cadre de relations intimes a presque toujours
été accompagnée de mauvais traitements psychologiques
et, dans un tiers à plus de la moitié des cas, de sévices
sexuels (59, 75, 131, 258, 272). Par exemple, parmi 613 femmes maltraitées
au Japon, 57 % avaient subi les trois catégories de mauvais traitement
- physique, psychologique et sexuel. Seulement 8 % avaient uniquement subi
de mauvais traitements physiques (485). A Monterrey, au Mexique, 52 % des
femmes qui avaient subi de mauvais traitements physiques avaient aussi des
partenaires qui leur imposaient des sévices sexuels (191). A León,
au Nicaragua, parmi 188 femmes qui étaient physiquement maltraitées
par leur partenaire, seulement 5 d'entre elles n'avaient pas été
aussi maltraitées sexuellement, psychologiquement, ou les deux (131).
La plupart des femmes qui subissent une agression physique sont en général
victimes d'actes multiples répartis dans le temps. Dans l'étude
de la ville de León, par exemple, 60 % des femmes maltraitées
l'année précédente l'avaient été plus d'une
fois, et 20 % d'entre elles avaient été plus de six fois l'objet
d'actes de violence graves. Parmi les femmes qui signalaient une agression
physique quelconque, 70 % qualifiaient les sévices de graves (130).
Les attaques physiques subies durant l'année précédente
par des femmes actuellement maltraitées étaient en moyenne au
nombre de sept à Londres (308) et de trois en 1997, aux Etats-Unis
(436).
Les enquêtes portant sur la violence entre partenaires demandent en
général aux femmes si elles ont subi l'un quelconque des traitements
figurant sur une liste, par exemple gifles, bousculade, coup de poing, raclée
ou menace avec une arme. Si l'on pose des questions qui ont à voir
avec le comportement - par exemple " Est-ce que votre partenaire vous
a jamais contrainte à avoir des rapports sexuels contre votre gré
? " - on obtient des réponses plus exactes que si on demande aux
femmes si elles ont été " maltraitées " ou
" violées " (127). En général, les enquêtes
qualifient de " violence grave " les actes physiques plus prononcés
que les gifles, la bousculade, les poussées ou le jet d'objets.
La mesure des " actes " de violence ne décrit pas l'atmosphère
de terreur qui baigne souvent les rapports abusifs. Par exemple, au Canada,
en 1993, l'enquête nationale sur la violence a révélé
que le tiers des femmes qui avaient été physiquement maltraitées
par un partenaire déclaraient avoir craint pour leur vie à un
certain moment de leurs relations (378). Souvent, les femmes déclarent
que les mauvais traitements et la dégradation psychologique sont encore
plus difficiles à supporter que les sévices physiques (57, 58,
96). FRANÇOISE-MARIE SANTUCCI
La
Tribune 4
mars 2001
700 000 femmes avouent subir toutes sortes
de sévices dans leur famille
Environ la moitié
de la population algérienne (48%) déclare connaître dans
son proche entourage familial des épouses battues par leur conjoint.
75% sont favorables à l'exercice d'une tutelle conjointe, du père
et de la mère, des enfants. 89% estiment que la femme divorcée
qui a la garde de ses enfants doit rester au domicile conjugal. 51% de ces
personnes pensent que la polygamie devrait être abolie.
Ces chiffres sont, en fait, les tout premiers résultats d'un sondage
réalisé par le collectif 95 Maghreb- Egalité sur un échantillon
de 1 220 personnes (hommes et femmes de 18 ans et plus). Le collectif, qui
regroupe des associations féminines de l'Algérie, du Maroc et
de la Tunisie et des personnes militantes des droits des femmes, a saisi l'occasion
du 8 mars, la Journée mondiale de la femme, pour donner un avant-goût
des actions qu'il a entreprises en tant que mouvement féminin maghrébin
qui lutte, depuis 1992, pour le respect des libertés collectives et
individuelles et la non-discrimination entre les deux sexes aussi bien dans
la vie publique que privée.
Lors d'une conférence de presse organisée, hier, à la
maison de la presse Tahar Djaout, les représentantes de ce collectif
ont précisé que les résultats finals de ce sondage intitulé
"le degré d'adhésion sur les valeurs égalitaires
dans la population adulte algérienne" seront annoncés au
mois de mai 2001, sous forme de publication.
"Ce sondage, mené conjointement avec un autre effectué
au Maroc toujours sous l'égide du collectif 95 Maghreb-Egalité,
s'inscrit dans cette volonté de fournir un outil de travail pour notre
ONG, mais aussi toutes les autres ONG travaillant pour les droits des femmes,
quel que soit leur domaine d'intervention", explique l'une des représentantes
de ce mouvement. Pour en revenir au sondage, une autre a tenu à préciser
que l'échantillon a été élaboré par la
méthode des quotas. Les variables de quotas retenues pour cette enquête
ont été l'âge, le sexe, le niveau d'instruction, la région
et la strate.
Parallèlement à ce sondage, les représentantes de ce
mouvement affirment que plus de 700 000 femmes, de 18 ans et plus, rencontrées
avouent avoir subi toutes sortes de sévices dans leur milieu familial.
Sur les 15 millions (hommes et femmes) auxquels on demandait s'ils ont eu
à exercer une violence physique sur leur sur, épouse ou
autre, deux millions ont répondu par oui. Chahla Chettouh
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Les
articles
et les discussions ci-dessous montrent que la presse a pris en compte
les revendications
du public au travers d'associations militant contre les abus du système publicitaire et en particulier des clichés sexistes qui y sont véhiculés dans une société où l'image a pris une importance majeure. |
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