Le
nouvel Observateur novembre
2001
Faut-il
avoir peur de la pb
Ses détracteurs l'accusent d'être avilissante Au moment où les publicitaires s'autocélèbrent au cours de leur sixième semaine de la Pub, les associations et un livre dénoncent les dérives de la profession
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Une affiche : un homme, assis sous un abribus, a la migraine. Qu'il relève la tête, il verra un cachet effervescent géant : " La publicité au secours de l 'économie ", prescrit la légende. Pour la sixième Semaine de la Pub, du 19 au 24 novembre, la publicité fait campagne. Paradoxe : au moment où les enfants de Monsieur Plus et de la Mère Denis font leur pub sur leur valeur utilitaire, jamais leur sens des valeurs n'a été aussi contesté. |
Les
associations les Casseurs de pub et Résistance à l'Agression
Publicitaire croient même entrevoir le " nouveau visage du totalitarisme
", contre lequel ils ont décrété le samedi 24 novembre
" Journée sans achat ".
L'Association des Femmes journalistes a débattu sur le thème
" Sexisme et liberté d'expression, faut-il une loi ? Réponse
de la salle :oui.
Certains comme Jean-Marie leGuen député de Paris, voudraient
bannir la pub des émissions pour enfant. Sous pression , le Bureau
de Vérification de la Publicité, organisme d'autodiscipline
chargé du contrôle de tous les messages publicitaires, vient
d'émettre une recommandation sur l'image des femmes : " Pas de
nudité avilissante et aliénante, ne pas réduire la personne
humaine, en particulier la femme, à la fonction d'objet, pas de présentation
complaisante d'une situation de domination ou d'exploitation par une autre
" .
Dans son " Livre noir de la pub, Florence Amalou, journaliste au "
Monde ", accuse la pub d'être coupable de crimes contre X (X étant
les " innocents " consommateurs). Elle imposerait des modèles
qui nous coupent des réalités. En étant bassement matérialistes,
en excluant Noirs, vieux, laids, handicapés. La pub serait une incitation
permanent au machisme et au harcèlement sexuel, ou à une réduction
du deuxième sexe à la fonction de ménagère. Femme
objet sexuel ou femme objet domestique, il est vrai que les exemples que donne
le " Livre noir " renvoient au degré zéro des "
réclames " d'autrefois, quand pour vanter les bananes une jolie
ménagère portant tablier blanc empoignait un modèle immense
du fruit avec ce slogan : " quand son époux rentre au logis, la
femme moderne prend soin de lui. " Aujourd'hui, déplore Florence
Amalou, la jeune Parisienne de la pub du sucre Canderel minaude : " J'ai
peut-être pas inventé la poudre mais je sais m'en servir. "
Avec le " porno chic ", les féministes se sont senties dégradées
à la vue de femmes dominées, caressant le sexe d'une statue
virile (Ungaro), à quatre pattes sur un pré, devant un mouton
" J'ai envie d'un pull " (la City). Sur les affiches Crème
Babette, une ménagère brandit ses instruments de cuisine. Légende
: " je la lie, je la fouette et parfois elle passe à la casserole.
" Nicole péry, secrétaire d'Etat aux droits de la Femme,
Florence Montreynaud, fondatrice de la Meute (réseau contre la pub
sexiste), les Chiennes de Garde y ont décelé un encouragement
à la violence conjugale. Autre campagne clouée au pilori, celle
du Magnum Miko : une barre glacée glissée dans le minislip d'une
femme : " Barre Magnum. Elle fera de vous un homme. "
" Le procès qu'on nous fait est très exagéré
", se sont défendus les publicitaires tout au long des débats
qui ont ponctué la Semaine de la pub. Le premier à minimiser
le sujet est le président du BVP. "Gardons le sens de l'humour
et de la créativité: la pub est utile, souvent ingénieuse,
économiquement nécessaire", modère Jean-Pierre Teyssier.
Les services du BVP ont dépouillé 50 titres féminins
sur le premier trimestre 2001. Sur dix mille pages de pub, 62 messages ont
posé un problème. En 2000, 509 modifications ont été
requises pour 7587 spots télévisés. Peut-on s'offusquer
dans une France où "la Vie sexuelle de Catherine M." est
un best-seller et où l'on n'a jamais vendu autant de strings? Prenons
la pub de la barre Mars: un homme regarde dans son caleçon, commentaire:
"Désormais le plaisir n'est plus une question de taille."
Même jubilation chez les chocolats Yves Thuriès. "Alors,
heureuse?", demande à sa compagne la star du porno Rocco Siffredi.
Surgit une tablette. "Chocolat Yves Thuriès, 20 centimètres
de plaisir."Choqués, les gens? Ces ventes ont progressé
de 20%! Le "romantisme" porno de Dior a fait grimper les ventes
de 35% et "les leçons de séduction" d'Aubade, avec
ses jolies rondeurs en dentelles, ont permis à la marque de multiplier
en dix ans son chiffre d'affaires par trois. Un sondage de "Culture pub"
donne la mesure du haut degré de permissivité des Françaises.
Si 48% de femmes se disent "souvent choquées par la manière
dont on montre les femmes dans la pub licité", 39% le sont "rarement",
et 12% "jamais".Tolérance ou fantasme? Réponse de
Jean-Marc Lech, président d'Ipsos: "Les Français n'ont
plus une relation morale à l'offre. Le sexe n'est plus vécu
comme une transgression mais comme une consommation de plaisir." La pub
fonctionne comme un miroir, pas comme un rétroviseur. "L'image
des femmes dans la pub est le reflet de l'époque, des cultures et de
la société", observe Pascale Weil, de pub licis. L'étude
qu'elle a menée montre que les représentations pub licitaires
de la femme n'ont cessé d'évoluer, entre l'irruption de la fée
électroménagère de l'après-guerre, les luttes
pour l'émancipation post-soixante-huitardes, la "super woman"
des années 80 et la tendance actuelle qui est à la parité.
"Aujourd'hui, analyse Pascale Weil, les femmes allient physique et psychique,
sexe et maternité, vie privée et vie professionnelle, et veulent
vivre avec les hommes, pas contre eux." Les rôles se sont brouillés.
Exemple: depuis 1994 et la Peugeot 106 ("les hommes vont être fous
de la voiture de leur femme"), madame prend le volant. "Arrêtons
de prendre des images pour la réalité", plaide Gabriel
Gaultier, patron de la création chez Young & Rubicam et auteur
de la campagne de la Semaine de la pub. "Si nous n'avons pas mission
d'éduquer le pub lic, ce n'est pas une raison pour faire de la merde.
Utiliser la femme, oui, mais il faut que ce soit justifié. La pub ne
devrait pas badiner sur les choses graves, le viol, le harcèlement
sexuel, la violence à l'école et dans les cités."
Ce créatif réputé refuse toutefois d'endosser tous les
péchés du monde. Au prétexte de condamner les excès,
les pub liphobes exècrent la société de consommation,
dont ils profitent pourtant. "Parler d'une dictature de la pub est une
absurdité. Nous ne conditionnons pas idéologiquement les gens;
ce sont eux qui décident d'acheter ou non", s'insurge Philippe
Gaumont (FCB). Mercedes Erra, directrice associée d'Euro-RSCG-BETC,
s'est battue pour convaincre son annonceur, Evian, de plonger de vrais vieux
dans le même bain régénérant que les bébés
du spot précédent. Et ce fut un succès. Qui peut contester
qu'au service des grandes causes la publicité soit un instrument efficace
de sensibilisation? Philippe Gaumont peut s'enorgueillir du spot que son agence
vient de réaliser (bénévolement) pour l'association Ensemble
contre la Peine de Mort. Même fierté chez un Christophe Lafarge
(agence Enjoy) après la réalisation d'un spot pour la Ligue
contre le Cancer. "Nous sommes pensés par les mythes", écrivait
Lévi-Strauss. " Sommes-nous aujourd'hui pensés par la seule
pub licité?", demande Florence Amalou dans son "Livre noir".
Puis il y a eu le 11 septembre 2001. La journaliste admet qu'entre les perversions
de la société marchande et l'idéologie purificatoire
des fondamentalistes la première est nettement plus vivable. Au moins
les publicitaires ont-ils le sens de l'autodérision. La dernière
affiche d'Eram chausse une autruche en talons hauts: "Aucun corps de
femme n'a été exploité dans cette publicité."
Ce qui a valu à l'agence Benoît Devarrieux-Villaret le grand
prix 2001 de l'affichage. PHILIPPE GAVI
Le
nouvel Observateur 2001
Les
ados-machos
Une violence sexuelle de plus en plus précoce. Des mangas pornographiques qui mettent en scène des viols collectifs sur des filles à peine pubères se trouvent désormais facilement, même, comme celui-ci, sur internet.
Au moment
où se tiennent à Paris les Assises nationales sur la violence
envers les femmes, beaucoup s'inquiètent de la montée du harcèlement
sexuel particulièrement agressif des ados sur les filles de leur âge.
Enquête sur ces jeunes qui ne croient pas en l'égalité
des sexes.
Hé, poupée ! tu sais que t'es charmante... " Il est 18
heures, du côté de la Nation, à Paris. Tania sourit discrètement
au groupe de garçons, pour les remercier du compliment, et poursuit
sa route. Elle se dit que la drague commence bien tôt de nos jours.
Quel âge avaient-ils, ceux-là ? 12, 13, 14 ans au maximum, des
mômes. Ils la regardent passer, fluette dans sa veste en jean, cheveux
bruns au vent. L'un d'entre eux revient à la charge : " Hé,
tassepé, tu joues à la princesse avec ta sale façade.
On n'est pas assez bien pour toi ? " Deux de ses complices courent après
la belle, lui attrapent le bras et l'attirent dans un coin de la rue. Ricanements.
" Je suis sûr que t'aimes ça, t'as l'air d'une chaude. "
Tania se recroqueville pour échapper aux mains importunes et hurle.
Le groupe bat en retraite : " Aller, on s'en va, c'est une bouffonne
! " L'adolescente, à terre, peine à retenir ses larmes.
Son visage est rouge, de colère et d'humiliation. Le lendemain, au
lycée, Tania raconte sa mésaventure aux copines. Toutes la rassurent,
elles aussi ont déjà eu affaire à ces petits obsédés.
" Moi, je me prends souvent des mains aux fesses ", avoue Emna.
Honorine a été abordée par deux " mecs ", qui
l'ont menacée de lui prendre son téléphone portable si
elle ne leur faisait pas une " pipe ". Elle a su garder son sang-froid
et leur tenir tête ; ils n'avaient pas de couteau. Les amies finissent
par conclure qu'elles s'en sortent plutôt bien, elles auraient pu se
faire violer. Quand on entend ces gamines, à peine sorties de l'enfance,
parler ainsi de la violence des garçons, on se croit soudain plongé
dans une série B américaine. Certes, le monde des adolescents
n'a jamais été un océan de douceur, mais jusqu'ici les
filles étaient d'abord victimes de la perversité des adultes.
Or aujourd'hui certaines semblent de plus en plus souvent malmenées,
violentées par un camarade de classe, un voisin, un petit ami... des
petites frappes, qui parfois n'ont même pas 13 ans. Ce sont des faits
apparemment anodins, des insultes sexistes " sale pute " "
pétasse ", " nique ta mère " (devenues quasi
banales dans les cours récréation de Meudon, de Créteil
ou d'Amiens) , mais aussi des actes plus graves, attouchements et même
tentatives de viol, voire de viols. Les affaires de ce type se multiplient.
En banlieue lyonnaise, les filles d'un lycée professionnel se plaignent
de ne plus pouvoir mettre de jupe sans se faire agresser et demandent l'accès
aux toilettes des professeurs. En région parisienne, des élèves
de 5e ont dû se plier aux jeux sexuels fort scabreux de
leurs copains de classe. Le 1er janvier, une adolescente de 17 ans
a été contrainte, sous la menace d'un couteau, de faire
une fellation à deux gosses de 14 ans. A Lille, une fille
de 14 ans a été violée dans un local à
poubelles par un garçon de 15. Une autre a subi le même
sort dans un bus, en pleine campagne normande. Les agresseurs avaient
12 ans. La révélation de ces affaires jette un trouble profond.
Et si nos ados étaient en passe de devenir aussi agressifs et pervers
que les adultes ? Prudence. La médiatisation crée souvent un
effet de loupe. La société est devenue plus vigilante sur ces
questions, comme sur les affaires de pédophilie ou d'inceste. Et la
parole s'est ainsi considérablement libérée : "Aujourd'hui,
on ose dire des choses qu'on taisait encore il y a dix ans. Les jeux et les
attouchements sexuels entre adolescents ont toujours existé. Simplement,
ils deviennent intolérables quand ils sont imposés",
note le psychanalyste Serge Lesourd. Jean-Pierre Rosenczveig, président
du tribunal pour enfants de Bobigny, plaide pour la même circonspection,
même si " nombre d'agressions sexuelles sur des jeunes filles sont
aujourd'hui commises par des mineurs ". Pourtant, aussi loin qu'on s'en
souvienne, il n'apparaît pas de trace d'une telle violence à
un âge aussi tendre. Certes, dans " la Guerre des boutons ",
on s'asticotait, on montrait déjà son " zizi ", mais
rien de plus... Hugues Lagrange (1), sociologue, chercheur au CNRS, spécialiste
des adolescents depuis une dizaine d'années, est formel : "Les
rapports entre garçons et filles n'ont jamais été aussi
violents qu'aujourd'hui." Malgré le manque de recul,
la rareté d'études approfondies, certaines statistiques, en
particulier celles sur l'augmentation du nombre de viols commis par des
mineurs, permettent de confirmer cette hypothèse (voir encadré
ci-contre). Par ailleurs, d'après une étude réalisée
par Hugues Lagrange en 1994, dans l'enseignement général,
13% des filles de 13-17 ans, non vierges, ont
subi un rapport sexuel forcé ; ce pourcentage s'élève
à 31% dans l'enseignement technique. La multiplication des abus,
y compris en milieu scolaire, a fini par alerter l'Education nationale. En
1998, un rapport, non rendu public, a recensé 576
agressions sexuelles perpétrées par des élèves.
Un chiffre minimal, qui ne tient pas compte des faits invérifiables,
des cas directement transmis à la police, et de ceux, vraisemblablement
nombreux, passés sous silence. Les auteurs de l'étude concluent
que " le pourcentage des faits extrêmement graves (12% de viols),
commis notamment en réunion, ainsi que le rajeunissement des élèves
concernés (35,4% des victimes et 30,5% des auteurs n'ont pas 13 ans)
sont des constats plus que préoccupants ". Hugues Lagrange invoque
la crise de la masculinité qui toucherait, de nos jours, l'ensemble
des garçons. Difficulté de se situer dans une société
où les pères sont de plus en plus absents, où les filles
deviennent femmes de plus en plus tôt et gagnent sans cesse davantage
de pouvoir... les jeunes mâles souffriraient aujourd'hui d'un cruel
manque de reconnaissance. "La violence masculine est une réponse
à une frustration et un ressentiment qui ne peuvent se dire."
Cette frustration est évidemment plus vive dans les milieux défavorisés,
où l'égalité des sexes n'est d'ailleurs pas souvent acquise.
Quand on n'a pas de diplômes, pas de " tune ", pas confiance
en soi... il est plus facile de basculer dans l'agressivité et le mépris.
Et les garçons s'accrochent à leur dernier pouvoir, celui
qu'ils ont sur les femmes. Les filles des cités subissent
sans cesse les injures machistes et, pour certaines, des
agressions physiques. Samira, 20 ans, habite Sarcelles : "D'un côté,
il y a la société qui montre des femmes
à poil partout ; de l'autre, la famille et la religion qui
imposent de ne pas parler de sexualité. Les mecs sont paumés.
Ils ne savent par parler aux filles." Le choc des cultures et
le poids de la tradition, pour certains jeunes issus de l'immigration, viennent
parfois encore renforcer les frustrations. Yazid Kherfi (2), ex-directeur
d'une maison de quartier à Chanteloup-les-Vignes, a été
témoin de ce malaise latent entre les deux sexes : "Les jeunes
ne savent pas dire "je t'aime" à une fille. Ils la désirent,
mais ils en ont peur. Alors ils l'injurient et quelquefois, malheureusement,
ils peuvent péter un plomb." Parfois, il arrive que la violence
franchisse le seuil de l'intolérable. Des ados vont jusqu'à
abuser, en bande, de la copine de l'un d'entre eux, d'une fille
de la cité ou d'une simple inconnue dans les caves ou
les cages d'escalier. Dans les quartiers, cela ne s'appelle pas un
viol collectif mais une "tournante". De telles pratiques existent,
indéniablement, même si elles sont sans doute moins fréquentes
que la rumeur ne le laisse croire (voir encadré p. 80). Banlieues =
bouc émissaire idéal. Là-bas, la violence des garçons
sur les filles est sans doute plus flagrante, plus visible,
mais "elle existe partout, dans toutes les couches sociales",
soutient, comme Hugues Lagrange, le sociologue Michel Fize. " Combien
de filles finissent mal dans les raves ou les soirées branchées
du 16e ? Combien se font insulter, agresser ? Simplement, personne n'en parle.
" Nos adolescents ont, selon Jacqueline Costa-Lascoux, chercheur au CNRS,
"un rapport de plus en plus tordu à la sexualité".
Soit, les jeunes mâles ne se sentent pas bien dans leurs baskets, en
partie à cause de l'ascension des femmes. Mais n'a-t-on pas aussi créé
les conditions de leur trouble ? Le déversement
d'images érotiques sur les murs et pornographiques sur les écrans
de télévision, l'immersion toujours plus précoce
des enfants dans le monde adulte ne sont-ils
pas des facteurs déstabilisants
?" On voit mal comment les jeunes pourraient être totalement épargnés",
reconnaît Serge Lesourd. Aujourd'hui, un garçon de 10 ans demande
comment faire un "cunni" et chante dans son bain " Ma salope
à moi" de Doc Gynéco. A 11 ans, il brise sa tirelire pour
acheter " Essayez-moi " ou "Enfin adulte", des mangas
pornographiques qui mettent en scène des viols collectifs sur
des filles à peine pubères. A 12 ans, il passe des heures
à contempler, dans le "Livre des records", l'opulente poitrine
de Lolo Ferrari. Denise Stagnara (3), qui informe les élèves
sur la sexualité depuis quarante ans, a découvert qu'en l'an
2000 la moitié des bambins d'une classe de CM2
ont déjà vu un film pornographique. Et dire qu'en
1946 des élèves de terminale s'étaient évanouis
lors d'une séance sur la reproduction ! Non, les adolescents accros
aux mangas et à Pamela Anderson ne sont pas tous des pervers sexuels
en puissance. Simplement, à force de vouloir tout dire et tout montrer,
quel que soit l'âge, n'a-t-on pas fini par les déboussoler et
favoriser, peut-être, le passage à l'acte des plus
fragiles ? Pour le sociologue Michel Fize, " les ados d'aujourd'hui sont
écartelés entre leur aspiration au romantisme, au grand amour,
et le discours de la société qui dit
: "Consommez du sexe, tout est permis à condition de
porter un préservatif." Et tout ça sur fond d'une famille
qui peine à transmettre des valeurs ". Apparemment ils ne "
consomment " pas plus, l'âge moyen du premier rapport sexuel complet
n'aurait pas varié depuis vingt ans (17 ans pour les garçons,
18 ans pour les filles). En fait, les attouchements, eux, commencent dès
la sortie de l'enfance. Ecoutons Amandine, 13 ans : " Les mecs, dès
qu'on sort avec eux, mettent la main au soutif. Après ils descendent
plus bas. Faut lutter pour résister. "Certains garçons
veulent passer à l'acte tout de suite, comme dans les films.
Le temps de la séduction s'étiole, le baiser n'a plus
grande valeur. Jacqueline Costa-Lascoux est effarée : " Ils
demandent de plus en plus souvent à la fille une
fellation ou une sodomie. Il faut avoir tout fait, tout essayé
! " Ceux qui n'ont pas les clés pour gérer leurs envies
ou leurs frustrations sombrent parfois dans la violence. Et quand un gamin
se retrouve au tribunal parce qu'il a forcé sa copine à une
fellation, il regarde le juge avec des yeux tout ronds : " C'est rien,
monsieur, une pipe. Clinton, lui, il a bien le droit ! " Tania,
la brune fluette de la Nation, a repris confiance en les hommes depuis qu'elle
a rencontré Alan, 22 ans, " un garçon bien, sérieux
", qui travaille dans l'hôtellerie. Un soir, elle lui a raconté
son agression. Il s'est d'abord indigné, puis il
lui a avoué que lui aussi, dans sa jeunesse, avait tripoté
des filles, comme ça, pour voir, pour rigoler avec les copains.
"T'inquiète pas. A l'âge adulte tout rentre dans l'ordre."
On aimerait tant pouvoir le croire. SOPHIE DES DESERTS
Ligne Jeunes
Violences, écoute mise en place par l'Ecole des Parents : 08-00-20-22-23.
"Education sentimentale et sexuelle", n¡ 5 d'"Informations
sociales" (1996). (1) "Les Adolescents, le sexe et l'amour",
par Hugues Lagrange, Syros (1999). (2) "Repris de justesse", par
Yazid Kherfi, Syros (2000). (3) "Aimer à l'adolescence. Ce que
pensent et vivent les 13-18 ans", par Denise Stagnara, Dunod (1998).
Charlie
Hebdo 1995
à 2001
Articles sur la pub
La
morale se relâche 19 avril 1995
Curieux. On aurait pu croire que cette affiche, avec une superbe fille noire
à poil, déclencherait les foudres des croisés de la vertu,
et que le rocher Suchard rejoindrait Harcèlement
et Prêt-à-porter au pilori. Rien, pas un froncement de sourcil,
pas un murmure d'indignation, même pas un bruissement de feuille de
vigne pour lui cacher la foufoune... Qu'est-ce qui se passe ? Les associations
familiales n'ont plus peur que leurs petites têtes forcément
blondes se tirent sur la quéquette ? Avec les mains pleines de chocolat,
en plus ? Et l'A.G.R.I.F., elle n'est pas outrée que le nom du Tout-Puissant
soit associé à une créature du Démon ? Auraient-ils
la trouille de s'attaquer à Suchard ? Ou, plus simplement, est-ce que
ces gardiens des valeurs catholiques et françaises ne seraient pas,
au fond, un tout petit peu d'accord avec le slogan :'C'est une épreuve
que le ciel nous envoie'? Sauf qu'eux ne pensent pas au rocher, mais à
la négresse.
P.-S. : Cela dit, assimiler une femme, noire, à une friandise sexuelle,
il faut être publicitaire pour trouver ça fin.
Travail,
famille, nature 28 juin 1995
C'est beau, la nature. Et comme ça se vend bien, la pub l'assaisonne
à toutes les sauces, en entretenant soigneusement la confusion entre
'naturel' et 'écologique'. Le marchand de yaourts BA fait donc campagne
sur le thème 'nature'. Premier mouvement, le spot télé,
qui explique qu'une envie de BA, c'est
comme une envie de pisser : irrépressible. On y voit un petit garçon
piquer 'naturellement' son pot de yaourt à une petite fille. Slogan
: 'Une envie de BA, ça ne s'explique pas.'Et la supériorité
du mâle sur la femelle non plus ; c'est comme l'envie de pisser du début,
c'est la 'nature', il faut que ça se fasse. Second mouvement, les affiches
: une femme assise dans l'herbe, enceinte jusqu'aux sourcils. Les dames sont
prévenues, leur état 'naturel', c'est d'être pleines,
pas d'aller bosser. Colette Codaccioni, notre ministre de la Famille rangée,
des Hommes au boulot et des Pondeuses à la maison, sait désormais
à qui s'adresser lorsqu'elle aura besoin de conseillers en communication.
La
femme soumise est l'avenir de Vania 02 août 1995
Malgré notre appel, les serviettes hygiéniques Vania
ne sont toujours pas boycottées, puisqu'on voit toujours la pub à
la télé ! Alors on en remet une couche ! 'On ne respecte jamais
assez celle qui donne la vie.' Ça pourrait être la devise gravée
au-dessus de la porte du bureau de Colette Codaccioni... Outre qu'il est complètement
idiot, puisqu'il vante un produit en faisant référence au seul
moment où on est sûr de ne pas en avoir besoin, ce slogan, digne
d'un commando anti-I.V.G., qui réduit la femme à n'être
qu'une matrice, sous-entend deux choses.
La première, c'est que celle qui refuse de donner la vie, c'est-à-dire
qui choisit d'avorter, n'est pas respectable ; ce n'est qu'une roulure qu'il
faut noyer dans l'eau bénite ou dans l'eau de vaisselle, au choix.
La seconde, c'est qu'une femme n'est respectable qu'en cloque. Tant que
le fruit béni de nos roubignoles n'est pas à l'intérieur,
on peut lui donner des coups de pied dans le ventre. Et alors, les féministes,
vous dormez, ou quoi ?
Paic : la
vaisselle est le propre de la femme
30 août 1995
C'est la fin du repas, les hommes allument un clope, les femmes emportent
les assiettes sales à la cuisine et enfilent leurs gants Mapa. Stop
! 'Avec le nouveau Paic, ce sont les hommes
qui font la vaisselle.' Ils frottent de la graisse, grattent les reliefs de
bouffe séchée, comme bobonne ? Ils n'ont pas peur de bousculer
la tradition, de contrevenir à un code génétique ? Mais
non, puisqu'il n'y a rien à foutre : juste mettre du produit et rincer.
Ah, bon ! Seulement, c'est bien beau de faire la vaisselle à leur place,
'mais pendant ce temps-là, qu'est-ce qu'elles vont faire, les femmes
?', demande l'acteur le plus éveillé du spot. C'est vrai, qu'est-ce
que ça peut bien faire, une femme, quand ça ne fait pas la vaisselle
? Réponse : ça joue aux boules, comme les hommes. Rire du publicitaire,
qui a trouvé la chute. Je ne sais pas si vous êtes comme moi,
mais un rire de publicitaire me fait le même effet qu'une roulette de
dentiste sur une dent cariée.
Un
lave-vaisselle avec du poil autour 18 octobre 1995
Vous avez un évier ? Jetez-le, c'est dépassé. C'est en
gros ce que nous conseille de faire la 'Collective
du lave-vaisselle', qui entre en guerre ouverte contre l''Amicale
des gants Mappa' au travers d'une campagne de pub où il nous est clairement
signifié : c'est le lave-vaisselle ou la bougie ! En quelques spots
télé très sobres, qui font pour la plupart appel à
des thèmes 'porteurs'- l'écologie, l'énergie, le bruit
-, on nous explique que la machine remplace avantageusement l'homme. Enfin,
surtout la femme : 'Ne dites pas qu'un lave-vaisselle ne rentrerait pas dans
votre cuisine. Votre femme y entre bien, elle, non ?' Rires assurés
aux 'Grosses Têtes' et aux banquets du Front national... Moi aussi j'ai
une blague, destinée aux femmes des publicitaires de l'agence Alice,
qui a signé cette campagne. Quand votre mari est en rut et vous serre
de trop près, répondez-lui : 'Désolée, mon chéri,
ce soir, tu fais ta vaisselle à la main.'
La
lettre d'Ajax aux femmes 31 janvier 1996
Toc, toc, font les copines à la vitre, viens te promener avec nous,
il fait beau, on va s'éclater. Non, non, fait la ménagère,
je dois laver ma cuisine, je n'ai pas le temps. Qu'elle est bête, font
les copines en brandissant le nouvel Ajax
qui dégraisse plus vite que son ombre, on va t'aider. Tralala, fait
toute la troupe en passant la serpillière. Pouf, pouf, fait bobonne,
bien contente de pouvoir participer au jogging des copines, avec la satisfaction
du ménage accompli... Tiens, fait le pape devant sa télé,
voilà des publicitaires à qui je pourrais demander d'illustrer
ma lettre aux pétasses. Ils ont la même conception du féminisme
que moi, l'obsession du cul en moins : hors des gants Mapa, point de salut.
La femme est bien sûr libre de quitter sa cuisine pour s'amuser un peu,
mais à condition qu'elle ait fini la vaisselle et qu'elle soit rentrée
à l'heure pour faire la soupe. En vérité, la pub vous
le dit, elle est la plus noble conquête de l'homme... après l'aspirateur.
Le
Crédit agricole, la banque qui drague pour vous 17 avril
1996
La semaine dernière, je vous avais choisi une pub qui disait combien
les femmes sont attirées par tout ce qui brille. Restons dans le même
esprit avec le Crédit agricole,
qui affirme, lui, que ces dames sont vénales. Soit deux jeunes hommes
qui partagent une chambre de bonne. L'un plutôt beau gosse, sportif,
mais fauché ; l'autre moche, rouquin, binoclard, les oreilles décollées,
mais heureux possesseur d'un livret 'Mosaïc', ce qui lui donne droit
à une carte de crédit, des places réduites de ciné,
des CD, des voyages... Dans un sitcom, c'est 'gueule d'amour' qui sortirait
avec la jolie blonde. Manque de bol pour lui, on est dans une pub pour une
banque. Ce sont donc 'gueule de raie' et son chéquier qui embarquent
la mignonne. Dans le monde merveilleux du Crédit agricole, non seulement
l'argent ouvre toutes les portes, mais il ouvre aussi toutes les cuisses.
Le fantasme du yuppie libéral qui n'a pas le temps de discuter.
Vittel
: buvez, collaborez 15 mai 1996
Nouvelle campagne d'affichage pour Vittel,
la flotte 'pour les athlètes du quotidien'. On y voit des gens s'adonner
sportivement à leur activité quotidienne : un garçon
de café s'entraîne au lancer de plateau façon discobole,
un écolier se sert de sa règle comme d'une batte de base-ball,
une fille pose avec sa planche de surf sous le bras... Stop ! En y regardant
de plus près, on s'aperçoit que l'objet a des pieds, et qu'il
s'agit en fait d'une planche à repasser. Conclusion, l'activité
quotidienne féminine typique, c'est le repassage.
Encore une agence de pub qui participe activement au concours de la plus belle
illustration du slogan 'Travail, famille, patrie'. Et comme du boulot, il
n'y en a pas pour tout le monde, pour les femmes ce sera 'famille, pattemouille'.
Mais, après tout, ne soyons pas plus royalistes que de Villiers : dans
l'équipe de fins 'créatifs' qui ont pondu cette campagne et
qui en sont fiers, il n'y a sûrement pas que des mecs...
Et pendant que ces dames font de la réclame, leurs maris sont peut-être
obligés d'aller au bureau avec des chemises pas repassées...
Hollywood,
la fraîcheur avec du poil autour 24 juillet 1996
Désolé les filles, mais si vous n'avez pas le physique de Claudia
Schiffer, inutile de songer à trouver du boulot ; ou alors avec bac
+ 12, à la rigueur...
Le slogan de la dernière pub de Hollywood
chewing-gum ne laisse planer aucun doute à ce sujet : 'Mâcher
Hollywood sans sucre vous promet à un bel avenir. Même sans diplômes',
nous explique-t-on, alors qu'une blonde aux mensurations standard prend une
pose de mannequin. Cela signifie-t-il que, chez Hollywood, les entretiens
d'embauche se déroulent non pas dans un bureau, mais sur un bureau,
voire sous ? En tout cas, le message est clair : mesdemoiselles, ne vous fatiguez
pas à faire des études. Vous ne croyez tout de même
pas qu'on va vous engager pour votre cerveau, avec tous ces chômeurs
qui attendent à la porte et qu'on peut asservir à merci ? Soyez
réalistes. C'est-à-dire minces, jolies et disponibles. Ainsi,
on pourra appliquer la parité hommes-femmes dans les entreprises :
les hommes esclaves, et les femmes danseuses nues.
Une bonne
lessive, et au lit !
14 août 1996
L'objet culte de l'homme, du vrai, celui qui, sur la plage, a un peigne en
corozo qui dépasse du slip en lamé, c'est la bagnole. Ça,
on le sait depuis longtemps. C'est un lieu commun aussi vieux que la pub.
Ce qu'on ne connaissait pas, en revanche, c'est l'objet culte de la femme.
Thomson nous donne la réponse :
le lave-linge. 'Votre lave-linge devrait avoir une ouverture aussi grande
que celle d'une voiture', affirme une pin-up juchée sur un bolide genre
James Bond première époque. Cette comparaison entre un symbole
de séduction et un appareil ménager est peut-être un peu
abrupte, mais elle a le mérite de délivrer un message limpide.
Petit oubli : sur la photo du lave-linge, il n'y a pas de play-boy. Il doit
être parti au bistrot...
Mais n'ayez crainte, les filles, avec votre machine à laver Thomson
vous serez aussi irrésistibles que le beau mec en Aston-Martin. Vous
tomberez autant de machos qu'il emballe de pétasses. Et si, en
plus, vous avez un fer à repasser GTI et un aspirateur avec des jantes
en alliage, c'est l'hécatombe assurée.
Casanova
avait un cheval Citroën 04 septembre 1996
Ne faites pas comme le pauvre type du dernier spot pour Citroën,
qui drague une fille avec une vieille bagnole : c'est l'échec assuré.
Il a beau l'emmener dans un restaurant dix étoiles et lui faire entrevoir
des nuits sans fin, tout s'écroule quand il veut la raccompagner dans
son tacot. 'Ne gâchez pas une belle histoire à cause d'une vieille
voiture.' Car, voyez-vous, même si vous êtes le plus séduisant
des hommes, intelligent, fin baiseur, plein d'humour, sportif, balladurien,
les femmes vous prendront toujours pour un ringard si vous avez une bagnole
de plus de six mois. En revanche, quand bien même seriez-vous le plus
laid des nabots, tous les mannequins seront à vos pieds grâce
au dernier modèle de chez Citroën... Mais quelle enfance ont-ils
eue, tous ces publicitaires, pour mépriser les femmes à ce point
? Ils ont tous été élevés par Jackie Sardou, ou
quoi ? À moins qu'ils ne soient effectivement de bonne foi et qu'ils
n'aient jamais rencontré que des connes. Mais quelle idée, aussi,
de ne draguer que des filles qui bossent dans la pub !
À
nos femmes, à nos ballons, et à ceux qui les gonflent !
25 septembre 1996
C'est une superbe et pulpeuse créature, moulée dans une robe
du soir, les bras gantés de satin noir. Classe. Peut-être même
ressemble-t-elle à Rita Hayworth dans Gilda... Mais on ne voit pas
son visage : quelqu'un l'a coiffée avec un plat de spaghetti, ce qui
lui donne l'allure d'un balai O'Cédar en tenue de soirée. Qui
a osé ? Le slogan nous donne la réponse : 'On ne dérange
pas un homme qui joue au Loto sportif.'
Pigé, mesdames ? D'abord, ce n'est pas la peine de sortir le grand
jeu de la séduction si vous n'êtes pas foutues de cuisiner autre
chose que des nouilles. Ensuite, fourrez-vous bien dans le crâne
que c'est l'homme qui décide où et quand il pénètre
dans la surface de réparation. Et ce n'est sûrement pas au
moment où il fait du sport sur grille. C'est dur à avouer, mais
on est d'accord avec le message de cette pub : les supporteurs sont des
ruminants vulgaires et brutaux, bêtes à voter Front national.
Ce qui nous console, c'est que, encore une fois, les publicitaires sont
de leur côté.
moins un crétin
a de cerveau, plus il fait de pub 21 mai 1997
Les Italiens sont machos, les Français sont râleurs, les Anglais
sont coincés, les Africains sont noirs... Les connaissances ethnologiques
des publicitaires ne vont pas plus loin. Pour eux, Claude Lévi-Strauss,
c'est le P-DG pour la France d'une grande marque de jeans. Aussi, quand on
leur demande de faire de la réclame pour Fiat, ils pensent illico main
aux fesses et peigne dans le slip de bain. Et ils accouchent en toute logique
de cette envahissante campagne pour la Fiat Punto,
qu'on peut voir en ce moment sur tous les murs de France. Affiche numéro
un : 'Plus une femme a du charme, plus elle a une Punto.' Affiche numéro
deux : 'Plus un homme a du caractère, plus il a une Punto.' Il aurait
été plus franc d'écrire : la femmes a des seins, l'homme
a des couilles. Confrontés à un problème, madame couche
avec, monsieur lui fout son poing dans la gueule. Et ils s'en vont tous deux
vers le soleil couchant, elle dans sa Punto qui tortille du cul, lui au volant
de son bolide turbo qu'a des cylindres gros comme ça. C'est fou ce
que la vie est simple, pour les publicitaires... o Agence : DMB & B.
Fuji, l'appareil
photo qui bande
16 juillet 1997
Les publicitaires aiment bien les associations d'idées. Surtout les
associations. Ainsi, beaucoup pensent que l'été, c'est 'sexe'.
Voici donc, pour les vacances, une campagne d'affichage très chaude
sur le thème des femmes qui violent les hommes. Le produit : une gamme
de pelloches et d'appareils photo. Sur les affiches, des femmes, toutes plus
fatales les unes que les autres. Depuis la 'maîtresse' à qui
il faut obéir 'au doigt et à l'il', jusqu'à celle
qui 'les jette quand ils ont tout donné'. Il s'agit, vous l'aurez deviné,
d'appareils photo jetables. Humour. Le pompon revient à cette jeune
fille en maillot deux pièces, assise, les jambes largement écartées,
qui regarde effrontément le quidam en lui lançant
un facétieux : 'Alors, messieurs, quand est-ce que votre petit oiseau
va sortir?' Un sommet de bon goût.
On ne sait pas trop quelles études il faut faire pour être créatif
dans la pub, mais on peut vous refiler un tuyau infaillible pour réussir
l'examen : à la question 'quel est le féminin de Don Juan?',
il faut répondre 'salope'. Agence : Euro RSCC Scher Lafarge
Mieux
qu'une femme : une Golf 04 février 1998
La nouvelle Golf est arrivée. Et avec elle, un scoop de taille : la
femme rouille. Ce sont les créatifs de l'agence DDB qui le disent.
'Parce que chaque jour nous déplorons les effets du temps [...], la
nouvelle Golf est garantie douze ans anticorrosion. Les femmes n'ont pas fini
d'être jalouses !' Ce que confirme la jolie créature qui étale
son sourire sur l'affiche : 'Douze ans de garantie anticorrosion. J'aimerais
pouvoir en dire autant !' Avant, dans l'imaginaire de la pub, la bagnole servait
à draguer les filles. Maintenant, elle les remplace. Avantageusement,
grâce à son traitement antirouille, qui la conserve 'belle comme
au premier jour'. Tandis que la jeune pucelle que vous aurez achetée
à prix d'or se transformera au fil des ans en vieux tas rongé
par l'oxydation. Du moins, si l'on en croit le message délivré
par cette campagne. Mesdames, une seule solution : foncez chez Bricorama et
payez-vous un pot de peinture antirouille. Et quand vous croisez un publicitaire,
balancez-lui tout le contenu dans la gueule. S'il râle, dites-lui que,
vous aussi, vous faites de l'humour.
Les
grosses têtes de la pub 15 juillet 1998
Ça aurait pu être une blague des 'Grosses Têtes'. Raté,
c'est une pub pour la décidément très inspirée
chaîne de télé Eurosport. 'Quel est le féminin
de 'assis devant Eurosport ?' Réponse : 'Debout dans la cuisine...'
Illustration de la première partie de la devinette : un téléspectateur
ahuri, en train de se mordre les lèvres, vraisemblablement en train
de suivre un match quelconque. Pour la suite, on est prié de retourner
l'affiche, afin de se délecter du gag de la fille pas contente du tout,
'debout dans la cuisine', en train de tartiner des sandwiches. La femme idéale,
telle qu'on la chante autour des comptoirs, tout en trinquant avec les copains
: toujours de mauvaise humeur, mais toujours d'attaque pour faire le service.
On imagine l'ambiance dans les bureaux des créatifs de l'agence Euro
RSCG Scher Lafarge. Il a dû en circuler, des traits d'esprit du même
tonneau, avant qu'ils ne trouvent la blague idéale, la plus 'second
degré'. Il ne devait pas faire bon être une femme, au cours de
ces 'brain stormings'. Les mains aux fesses devaient voler aussi bas que le
niveau. Tas de beaufs !...
Sois
belle et frotte 09 septembre 1998
À de très rares exceptions près, la femme dans la pub
n'a que deux choix : elle est soit ménagère, soit mannequin.
La vaisselle ou la séduction. Les publicitaires de l'agence Young et
Rubicam innovent un max, et nous proposent un savant composé de ces
deux tendances. Grâce au lave-vaisselle Brandt,
madame peut être coquette tout en accomplissant son devoir. 'Une femme
est plus jolie avec un lave-vaisselle Brandt', apprend-on, tandis que l'affiche
nous montre une très sophistiquée ménagère en
train de se refaire une beauté, en se mirant dans l'éclat impeccable
d'une cuillère à soupe. Désormais, les femmes n'auront
plus d'excuse pour tenter d'échapper aux tâches qui leur incombent
naturellement. Finis les 'chéri, fais la vaisselle pendant que
je me maquille, sinon on va arriver en retard à la Nuit des publivores'...
Sous des dehors anodins, cette campagne parvient à invoquer dans un
même 'concept' les deux divinités préférées
des publicitaires : Bobonne, la déesse des assiettes propres, et Vénus,
la déesse des soirées réussies. On attend l'aspirateur-sèche-cheveux
et le fer à repasser-épilateur.
Que
choisir ? 16 septembre 1998
On aurait tort de croire, au vu des innombrables réclames qui font
appel au concept vieillot mais toujours porteur de la 'femme-objet', que les
publicitaires méprisent la gent féminine. Bien au contraire.
Ils la placent au niveau de ce qui existe de plus précieux à
leurs yeux : le bien de consommation. Partant de ce principe, il convient
d'être extrêmement vigilant, car elle peut présenter des
vices de fabrication, voire carrément tomber en panne. C'est bien connu,
on ne construit plus comme dans le temps... Mieux vaut donc s'adresser à
un spécialiste et ne pas commettre l'erreur de cet homme souriant et
décontracté, qui nous confie qu'il a 'changé 4 fois de
téléviseur, 3 fois de voiture, 2 fois de femme, mais [...] jamais
changé [sa] chaudière Junkers'.
Malheureusement, il ne nous précise pas s'il a changé de femme
parce que la première était usée ou parce qu'elle consommait
trop. Qu'importe, la leçon est universelle : messieurs, avant de choisir
une compagne, n'oubliez pas de lui tâter la croupe et de vérifier
sa denture... Cette pub de maquignon est parue dans un magazine belge, Je
sais construire. Le type qui a lancé la mode des histoires belges avait
dû bouffer la veille avec un publicitaire bruxellois.
50
F la pub, 100 F l'amour 07 octobre 1998
Regardez bien ses yeux : cette fille a quelque chose derrière la tête.
On pige quoi en lisant l'accroche de l'affiche : 'Maintenant que Paul peut
offrir son billet prime à la personne de son choix, il n'y a plus qu'à
devenir la personne de son choix.' Le 'billet prime', c'est un billet gratos
pour un trajet sur Air France.
En gros, la fille lorgne sur Paul, non pas parce qu'il est beau mec, ni parce
qu'il lui plaît, mais tout simplement pour se faire entretenir. Dans
la tronche remplie de slogans lapidaires et de 'concepts' du publicitaire,
la femme est et restera pour l'éternité une intrigante intéressée.
Une vénale. Donc une pute. Sauf maman, qui, elle, lave le linge et
fait la vaisselle. Pour les Séguéla juniors, il suffit d'agiter
un billet de banque - ou d'avion - sous le nez d'une fille pour qu'elle accoure
en faisant la belle. Une conception de la séduction et des relations
humaines tout à fait en rapport avec ce que sont au fond les publicitaires
: les ultimes miettes rassises des années 80. Les 'années de
la gagne', où le simple fait d'écraser la gueule du voisin était
censé vous rendre heureux.
Montrez ce
sein qui va faire parler de nous
21 octobre 1998
Voilà de la vraie et belle pub de faux-cul. On pourrait s'étonner
du fait que cette campagne d'affichage pour les soutiens-gorge Variance,
logiquement destinée aux femmes, s'adresse surtout aux hommes. Faire
remarquer que les consommateurs susceptibles d'être accrochés
par le 'message'- à savoir un échantillon de paire de doudounes
en quatre mètres sur trois -, en principe, n'achèteront pas
le produit. Rares sont les mecs qui mettent un soutien-gorge. Mais tout cela
est normal. Ce n'est pas l'affiche qui est censée faire vendre, mais
les réactions qu'elle va sans doute provoquer. Les féministes
vont monter au créneau et se plaindre à juste titre que cette
pub donne une image de la femme quelque peu réductrice - des seins
et pas de tête. Et on peut compter sur les ligues cathos et familiales
pour gueuler à l'atteinte aux bonnes murs. C'est le but : plus
on râlera, mieux ce sera. La marque va se retrouver parée d'un
petit parfum de scandale délicieusement porteur. À moins que
les consommatrices décident de boycotter la lingerie Variance, par
mesure de rétorsion. Histoire de faire comprendre une fois pour toutes
aux publicitaires et aux marques qui les sponsorisent qu'elles ne sont pas
celles qu'ils croient. o Agence Wolkoff et Arnodin
Maximum
respect 28 octobre 1998
La semaine dernière, à propos de la campagne de pub Variance,
je prédisais que les associations féministes allaient gueuler.
Ça n'a pas raté : elles ont inondé de lettres de protestation
le fabricant de soutiens-gorge pour hommes. La direction de Variance leur
a répondu. Par une lettre-type, non signée, justifiant dans
une langue de bois d'expert en 'com' la 'philosophie de la marque'.
Voici la reproduction du début de cette bafouille pitoyable, qui s'adresse,
rappelons-le, à des femmes, et où il n'est question que du respect
que la direction de Variance leur porte. Florence Montreynaud, responsable
du 'Prix de l'Association des femmes journalistes à la pub la moins
sexiste'- ça doit être du boulot à trouver - et par ailleurs
destinataire de cette missive, nous a confirmé que ce n'est pas une
erreur isolée : 'toutes mes copines ont reçu la même'...
Au service 'communication'de Variance, on reconnaît pudiquement que
c'est 'maladroit'. Machos, et même pas foutus d'assumer leurs balloches
protubérantes.
Citroën
: l'utilitaire avec du poil autour 04 novembre 1998
C'est ce qu'on appelle un spot comique. Il est blond, jeune, musclé
et plombier. En toute logique publicitaire, la ménagère chez
qui il répare l'évier rêve de lui empoigner la clef à
molette. Mais le bel éphèbe est chaste. Et surtout, il la trouve
moche. Donc il s'enfuit. Manque de bol, sa camionnette refuse de démarrer
et la nymphomane le rejoint, les cheveux ébouriffés et la libido
en feu...'Il est parfois utile de pouvoir compter sur son utilitaire', fait
finement observer la voix off, avant de vanter les mérites du Berlingo
Citroën. Gag final : le plombier
fait pousser son tacot par la ménagère, qui, contre toute attente,
sait se rendre utile. Succès assuré à la 'Nuit des publivores'.
Dans la pub, l'automobile et la femme sont des objets indissociables, qui
se décomposent en deux catégories. Il y a la bagnole-plaisir,
très sexe, et la gonzesse qui va avec : généralement,
elle a la tronche de Claudia Schiffer, et on la suppose aussi moelleuse que
les sièges-couchettes du bolide dont elle fait la promo. Et puis il
y a l'utilitaire. Sur quatre roues et sur deux jambes.Pour résumer,
il y a la femme qu'on baise et la femme qu'on exploite. Et il y a la femme
qui bosse dans la pub, qui reste un mystère.
Connerie
gratuite 25novembre 1998
Pour cette annonce, le publicitaire avait le choix. Il n'était pas
obligé de montrer, au troisième stade de l''évolution',
une femme enceinte. Le message aurait été identique : le lave-linge
Miele, c'est le progrès. En décidant
d'utiliser l'image de la future maman, l'agence Callegari Berville introduit
volontairement un second niveau de lecture. En plus du produit, l'affiche
présente les deux fonctions 'naturelles' de la femme : laver le linge
et pondre des ufs. Et sous-entend qu'elle n'a droit au confort que quand
elle est sur le point de donner une descendance à son mec. Après,
elle peut retourner battre le linge à quatre pattes.Décidément,
les publicitaires sont incorrigibles. Même quand ils ne sont pas obligés
d'être malfaisants, c'est plus fort qu'eux...
Y'a bon MLF 13 juillet 1999 La parité est dans l'air du temps. Dans ce spot pour le nouveau Mr Propre, les publicitaires ne se privent pas de transformer cette idée en 'concept' et de l'accommoder aux recettes traditionnelles. En gardant, bien sûr, leurs vieux réflexes. La situation est ultra-classique : Madame doit décrasser sa cuisine. Comme il est de bon matin, ça ne l'enchante guère. Arrive Monsieur, lui aussi tout juste sauté du lit, qui lui propose de faire le boulot pendant qu'elle prend son bain. Madame ne se le fait pas dire deux fois et file piquer une tête dans la baignoire. Quand elle revient, le mari idéal, grâce à Mr Propre, a transformé la cuisine en palais des Mille et une nuits. Et une voix off s'exclame : 'Vous lui avez fait quoi, pour qu'il vous gâte autant?'Voilà qui sous-entend deux choses : premièrement, quand un mari partage les corvées avec sa femme, il la 'gâte'. Ce n'est pas une attitude normale. Deuxièmement, pour mériter pareille faveur, encore une fois exceptionnelle, la femme a dû être très, très gentille.Les publicitaires devraient s'abstenir d'essayer de jouer les féministes, c'est encore pire que quand ils sont franchement machos. Ils ont beau tortiller leur 'créativité' dans tous les sens, la forme n'arrive pas à cacher le fond. C'est plus fort qu'eux, ils ont une main au cul dans la tête.
Esprit
féminin 25 août 1999
Il ne faut pas confondre presse féminine et presse féministe.
C'est idiot, mais les deux genres sont généralement incompatibles.
Preuve, cette pub pour la ligne de beauté Bourgeois,
parue dans Elle. Nous avons un opuscule, intitulé 'Petit manuel de
magie à l'usage des filles qui veulent être encore plus jolies',
à l'intérieur duquel on trouve des recettes pour, par exemple,
'transformer la femme en geisha, petite fleur sauvage et fragile à
la fois'. A côté de ce manuel indispensable à toute femme
désireuse de satisfaire les plus crétins des fantasmes machos,
un petit dessin, où l'on voit une midinette s'exclamer : 'Finalement,
je crois que je vais lire un livre cette année'... Difficile de dire
plus ouvertement que la femme est une conne illettrée. L'agence qui
a signé cette pub est restée courageusement anonyme. Mais d'après
l'annuaire CB News 1999, c'est Young & Rubicam France qui a le budget
Bourgeois. Au cas où certaines lectrices auraient envie d'aller s'expliquer
avec les créatifs qui ont pondu cette ânerie. Histoire de leur
démontrer que les 'petites fleurs sauvages' ont aussi de la conversation.
On travaille,
nous ! 1
septembre 1999
A l'agence Saatchi & Saatchi, on ne croit pas à la parité.
Preuve cette pub pour la carte France Télécom,
qui montre un agriculteur au volant de son tracteur. Préoccupé
de ne pas recevoir d'appel de sa femme, tout à ses pensées angoissées,
il ne s'aperçoit pas qu'il a commencé à labourer le bitume.
'Pourquoi elle m'appelle pas ?' se demande notre brave paysan.'Le satellite
est relié à Mexico...
Le relais alimente toute la vallée du Pachuca...' Le but de cette pub
est de faire savoir au consommateur qu'avec la carte magique, on peut téléphoner
de n'importe où. Mais au passage, on glisse un message subliminal et
on laisse entendre que, pendant que monsieur trime dans son champ, madame
se la coule douce au soleil. Les hommes bossent et les femmes glandent. Non
seulement elles se font entretenir par leur mec, mais en plus, elles l'abandonnent
dès le premier rayon de soleil venu, pour filer dans des contrées
exotiques. Sans même penser à téléphoner pour prendre
des nouvelles du courageux chef de famille resté en France pour se
tuer au travail. Si le chef de famille bosse dans la pub, on les comprend.
L'horreur
publicitaire 20 octobre 1999
À première vue, en dépit de son côté résolument
craspec, la nouvelle campagne d'affichage pour Kookaï,
parodie des campagnes écolos de WWF baptisée 'Save Men', est
plutôt marrante et sympa. Pour une fois, ce sont les hommes qui trinquent,
relégués au rang de poil de cul ou de rognure d'ongle par des
femmes revanchardes. L'agence CLM/BBDO pousse jusqu'au bout le 'concept' des
précédentes campagnes, qui montraient de minis hommes-objets
aux prises avec des dominatrices sans pitié.
Mais en y regardant de plus près, tout ceci a quelque chose de franchement
déplaisant. C'est 'oeil pour oeil, dent pour dent' érigé
en principe ultime : on en a chié, il n'y a pas de raison pour que
vous n'en baviez pas non plus. Pour survivre, les bizutées doivent
se transformer en bizuteuses. Décidément, le publicitaire a
du mal à concevoir l'idée même d'égalité.
Pour lui, il faut forcément qu'il y ait un 'gagnant', qui écrase
la gueule de l'adversaire. Le monde selon la pub, c'est l'âge des cavernes
libéral : il y a les dominants et les dominés. Quand elle veut
faire moderne, elle inverse les rôles, c'est tout.
Toutes
des turbos 24 novembre 1999
Les publicitaires forment décidément une grande famille, bien
décidée à bâtir l'Europe de la pub. Témoin
cette annonce parue dans le quotidien belge Le Soir, où l'on voit que,
question 'esprit', les Séguélas belges n'ont rien à envier
à leurs congénères franchouillards. Pour inciter le consommateur
mâle à se payer une nouvelle bagnole,
on ne trouve rien de plus 'vendeur' que de montrer une jeune femme, de toute
évidence asiatique, les jambes largement écartées, un
sourire d'invitation aux lèvres, la tête légèrement
penchée pour faire coquin, mais baissée en signe de soumission,
parce quand même, chacun à sa place...
Suprême trouvaille, comme il s'agit de faire de la retape pour un 4X4,
on a affublé le modèle de chaussures tout-terrain. A ce stade
de finesse, on en arrive à se demander si cette jeune fille ne constitue
pas le 'cadeau-surprise' promis par l'annonce. Histoire de pimenter le machisme
avec une touche de tourisme sexuel.
L'objet
du mois 12 janvier 2000
Parfois, dans un moment de faiblesse, on pense que l'homme est bon et le publicitaire
perfectible. On est tenté de se dire que les Chiennes de garde exagèrent,
qu'elles voient le mal partout, que l'image de la femme a changé, qu'elle
n'est plus considérée comme un objet, ni un produit de consommation...
Et puis on tombe sur Dynamiques, le magazine
édité par la Chambre de commerce et d'industrie d'Avignon, et
sur cette annonce pour l'agence de 'graphisme et communication' Mica. Alors,
après avoir balancé ce torchon à travers la pièce,
on se dit que les Chiennes de garde sont encore trop gentilles.
Poupée
portable 01 mars 2000
On ne peut pas reprocher aux publicitaires de l'agence Jean & Montmarin
d'avoir abusé de la litote. Avec cette annonce pour le forfait Nomad
de Bouygues Telecom, on a tout de suite
compris dans quel tiroir ils placent la femme : celui des gadgets sexuels.
Si ces créatifs avaient vraiment été sincères,
au lieu de s'abriter derrière l'habituel et franchement fatiguant 'second
degré', le slogan aurait été : 'Si vous offrez un portable
à votre fiancée pour la Saint Valentin, elle vous taillera une
pipe'...
Le 8 mars, c'est la journée internationale des femmes. On se demande
bien pourquoi ce n'est pas aussi la journée internationale du boycott
publicitaire.
Mon
beauf'.com 15 mars 2000
Pour bien montrer que ce site internet
est exclusivement réservé aux femmes, les créatifs
de l'agence Opéra opérationnel ont mis en scène l'éternel
féminin. À savoir une jolie plante qui pose en soutien-gorge,
en train de battre des oeufs et de téléphoner à sa copine.
Il manque un détail : avec le pied, elle pourrait pousser un aspirateur...
On a compris, la femme, c'est juste bon à faire la bouffe, assurer
le repos du guerrier et augmenter la facture du téléphone. Avec
toutes ces activités, mesdames, on se demande comment il vous reste
du temps pour surfer sur le web. Balancez-donc votre ordinateur par la fenêtre.
Avec un peu de bol, il atterrira sur le crâne d'un publicitaire fana
de e-business.
Jurassic
Park Fever 24 mai 2000
Neuf millions quatre cent mille spectateurs ont vu Taxi 2. Ce qui veut dire
que près d'un cinquième de la population française est
accro au 'tuning', cette pratique méga-tendance qui consiste à
transformer sa bagnole en discothèque turbo. Quand ils font de la pub,
les spécialistes qui vendent les gadgets clinquants et bruyants censés
métamorphoser la plus minable des FIAT Punto
en Macumba à roulettes essayent, en toute logique, d'attirer le client
avec ce qui lui 'parle' le plus. La réclame ci-contre illustre donc
'l'esprit tuning': une fille torse nu, dont on ne voit même pas le visage,
dans la position dite en levrette sur le capot de la GTI. Dans l'échelle
de l'évolution, neuf millions quatre cent mille Français n'ont
pas encore trouvé le premier barreau.
Réussite
mode d'emploi 23 août 2000
Chaque année, l'Association des femmes journalistes décerne
le prix de la publicité la moins sexiste. Pas de quoi s'épuiser
à la tâche : tout au plus, elles ont le choix entre une ou deux
annonces. Ça laisse à ces militantes largement le temps de s'énerver
sur les publicités sexistes. Là, pas question de faire les trente-cinq
heures, c'est les trois huit ou rien. Car s'il s'agissait de couronner les
réclames les plus machos, on n'aurait que l'embarras du choix. Prenons
par exemple cette annonce pour Pixibox.com.
Elle pourrait décrocher sans peine la récompense suprême.
Le texte, d'abord : 'Evidemment, c'est facile quand on se fait entretenir.
Comme certaines, vous aimeriez bien avoir un homme riche qui vous couvre de
cadeaux'... Suite à cette accroche sur le retour de la galanterie,
on nous explique toutes les merveilles qu'on peut trouver en cliquant sur
Pixibox.com : promos, réductions, chèques cadeaux, invitations...
Bref, la grande vie virtuelle. Puis, on conclut : 'Même plus besoin
de faire du charme pour avoir des privilèges'. Cette vision idyllique
de l'ascenseur social au féminin est très grassement soulignée
par le 'visuel'. La voiture, 'cadeau de son patron', les fleurs,'cadeau de
son amant', les lunettes, 'cadeau d'affaire', le pantalon, 'cadeau de son
mari', les chaussures, 'cadeau de fidélité'... Bref, cette femme
ne doit pas sa réussite évidente à ses compétences,
mais au fait qu'elle couche. Avec son patron, ses clients, le vendeur, et
même, la garce, avec son mari et son amant. Et, comme bien souvent,
un message peut en cacher un autre, on en conclut également qu'avec
leurs 'charmes', les femmes piquent le boulot aux hommes, qui, eux, sont obligés
de bosser pour réussir. Comme quoi la parité, ça va encore
faire grimper le chômage masculin. Bien sûr, tout cela est du
second degré. Et si les Chiennes de garde décident d'aller mordre
le cul aux audacieux concepteurs de cette pub résolument avant-gardiste,
c'est parce que, décidément, elles ne comprennent rien au langage
publicitaire.
SOS
tout-petits cons 06 septembre 2000
Depuis 1966, la pilule contraceptive s'est imposée petit à petit,
combat après combat, comme faisant partie de la vie quotidienne des
Françaises. Aujourd'hui, il ne viendrait à l'idée à
personne de remettre en question le bien-fondé de cet énorme
progrès social. Hormis, bien entendu, aux intégristes blindés
qui militent contre l'IVG et qui, s'ils le pouvaient, s'enchaîneraient
aussi aux isoloirs pour protester contre le droit de vote des femmes. Mais,
ces dingues dangereux mis à part, tout le monde pense peu ou prou que
la pilule est indispensable. Sauf les créatifs de l'agence Bon Angle,
qui, mine de rien, minimisent salement son importance.
Lisez attentivement l'accroche de cette pub pour la Skoda
Fabia : 'Tiens, la pilule n'est plus la seule à nous rendre
la vie facile !'Autrement dit, la pilule, c'est bien pratique. Mais, au fond,
pas indispensable. Ce n'est ni une grande découverte scientifique,
ni une avancée sociale essentielle, c'est un gadget commode pour celles
qui veulent avoir 'la vie facile'. Avec tous les sous-entendus que cette expression
contient. On dira que je leur cherche des poux dans la tête, à
ces braves publicitaires. Qu'il faut avoir l'esprit bien tordu pour voir dans
cette annonce autre chose qu'un slogan innocent. Peut-être. Mais question
esprit tordu, les publicitaires s'y entendent aussi, ils en donnent la preuve
tous les jours. Et surtout, mieux que quiconque, ils savent utiliser les mots,
connaissent le poids et les multiples sens du langage, manipulent comme personne
les sous-entendus. D'autant que le slogan d'une campagne au budget de soixante
millions de francs, ça ne s'improvise pas aux gogues en remplissant
sa grille de Loto.
On y réfléchit longtemps, ça se murit, on en parle au
cours de 'brainstormings' interminables. Ce n'est jamais innocent. D'ailleurs,
cette campagne est déclinée en deux affiches. Sur la deuxième,
il est question du téléphone portable, objet certes pratique,
mais loin d'être indispensable. Le parallèle est éloquent.
Et sûrement pas innocent.
Des infos,
oui, mais des Panzani !
13 septembre 2000
Imaginez : vous êtes tranquillement installé devant le journal
télévisé de 20 heures, lorsque tout à coup, sans
prévenir, juste après les dernières nouvelles du blocus
des routiers-taxis-tracteurs, pub ! PPDA reviendra après, une fois
que les ex-collègues de Frédéric Beigbeder, ancien concepteur-rédacteur
chez Young & Rubicam et nouveau philosophe chez Grasset, auront livré
au téléspectateur leurs propres scoops : la lessive lave le
linge, le shampoing lave les cheveux, la femme lave la vaisselle...
Cette idée d'interrompre intempestivement les journaux télévisés
par des spots publicitaires a germé, puis exagérément
poussé, dans le cerveau pervers des rédacteurs de la revue italienne
Advertising, sorte de Fig' Mag' exclusivement consacrée à la
réclame. Il faut, dit très sérieusement l'éditorialiste,
'rompre avec ce faux moralisme anticapitaliste des journalistes', faisant
sans doute allusion aux bolchéviques notoires qui oeuvrent sur les
chaînes berlusconiennes. En fait, il faut surtout remplir de pub les
derniers trous regardables de la télé italienne.
Sur sa lancée, Advertising, en collaboration avec une cinquantaine
d'agences de médiaplanning, a établi un palmarès des
présentatrices - en Italie, les journaux télévisés
sont présentés en très grande majorité par des
femmes - précisant pour chacune d'elles à quel type de spot
elle pourrait être associée, ainsi que sa valeur marchande.
Telle Claire Chazal locale est donc évaluée à 50 millions
de lires (environ 170 000 francs) et est jugée idéale pour les
cosmétiques. Telle autre, plus 'femme au foyer', serait parfaite pour
les produits domestiques, mais, selon les maquignons de la pub, vaut à
peine 14 millions de lires (45000 francs)... Que des publicitaires veulent
vendre des pâtes et des crèmes de beauté entre un reportage
sur le Kosovo et une enquête sur le sida en Afrique n'a au fond rien
d'étonnant. On ne va pas demander à des gens qui rêvent
de transformer la Terre en supermarché géant d'être raisonnables.
Le plus significatif, dans cette histoire, c'est qu'elle met en lumière
les rouages qui font tourner le monde de la publicité : le cynisme,
l'ultralibéralisme et le machisme.
Mieux que n'importe quel bouquin à 99 balles torché par un faux
repenti, cette polémique qui secoue la rentrée télévisée
italienne nous explique ce que sont vraiment les publicitaires.
La plus vieille
nouvelle économie du monde
20 septembre 2000
On comprend que des gens dont le métier est de concevoir des campagnes
de pub et de promotion sur Internet aient envie de prouver à leurs
futurs clients à quel point ils sont professionnels. Surtout lorsqu'ils
doivent faire leur propre réclame. Mission plus qu'accomplie pour l'agence
Welcom, avec cette annonce d'auto-propagande qui est un modèle
d''esprit' publicitaire. Si avec ça ils ne décrochent pas les
contrats du siècle, c'est à désespérer des annonceurs.
'Les meilleures affaires commencent toujours par un mot de bienvenue', nous
dit l'accroche, avertissant les futurs clients de l'agence qu'ils seront toujours
bien accueillis. Et la très charmante personne qui occupe toute la
photo et tout le regard de l'observateur est là pour appuyer le message.
De tout son poids de suggestion : le regard torride, la bouche pulpeuse qui
s'arrondit en une moue prometteuse, les pointes des seins tendues à
travers le tissus léger, les doigts prêts à détacher
le noeud d'un minuscule gilet qui ne demande qu'à s'ouvrir sur une
poitrine nue...
Pas besoin d'être particulièrement perspicace pour comprendre
que le 'mot de bienvenue' ne sera que le préambule à une relation
d'affaire qui n'aura rien de verbal. Qu'ont donc voulu dire les créatifs
qui ont accouché de cette pub qui ressemble à une annonce pour
serveur téléphonique 'coquin', genre 'Lucille et ses copines
t'attendent au 08 etc.'?... Qu'en arrivant à l'agence, les clients
ont, d'entrée, le droit de coucher avec l'hôtesse d'accueil ?
Que l'escort girl est prévue dans les frais généraux
? Que Monica Lewinski leur offrira un cigare avant la signature du contrat
? Quoi qu'il en soit, ces créatifs prometteurs n'ont sûrement
pas fait cette pub par hasard. Et elle est révélatrice de ce
que les requins-nains de la nouvelle économie entendent faire d'Internet
: un gigantesque lupanar multicolore où les serveurs pornos et les
journaux larbins de multinationales feront le tapin pour des annonceurs-proxénètes.
L'heure
du beauf' 20 décembre 2000
Quand il s'agit de réclame, les produits 'haut de gamme' font rarement
dans la finesse. Témoin la dernière pub pour les chaussures
Weston, où l'on voit un pied masculin
- chaussé comme il se doit de la pompe merveilleuse - masquant nonchalament
la partie la plus convoitée du corps d'une call-girl, lascivement offerte
sur un lit d'hôtel à quelques valises de dollars la nuit... Un
fabricant de montres suisse plus que centenaire ne saurait verser dans une
telle vulgarité, où la réussite sociale est ouvertement
associée au nombre de poules de luxe qu'on peut faire monter dans une
chambre de palace. Mais ça ne l'empêche pas pour autant de donner
lui aussi son opinion sur le rôle de la femme dans notre société
: 'Les hommes aussi savent essuyer les verres. Tant qu'ils ne dépassent
pas 42 mm de diamètre'.
En clair, la vaisselle, ce n'est pas une affaire de mâle. On est en
droit de se demander l'utilité d'un tel slogan dans ce cas précis,
car à 76 800 balles la tocante, les éventuels acheteurs d'une
IWC ont certainement les moyens de se
payer plusieurs lave-vaisselle, ainsi qu'une armée de domestiques chargés
d'appuyer sur les boutons. En fait, le message de cette annonce, c'est : IWC,
c'est une montre d'homme, de vrai. Et un homme-un-vrai sait remettre les femmes
à leur place. Dans la cuisine. On avait la montre de James Bond, la
montre d'Indiana Jones, la montre de Cindy Crawford, voilà maintenant
la montre de Robert Bidochon. À priori, on serait tenté de se
dire que les créatifs de l'agence Wirz ont raté leur cible,
ou, pour utiliser un terme plus tendance, se sont gourés de tribu.
Pas du tout. Ils n'ont simplement pas pris de risque, en tablant sur un fantasme
masculin assez universellement répandu : l'homme dominateur. Une stratégie
éprouvée, qui fonctionne sur à peu près tous les
publics et pour tous les produits, et que de surcroît ils maîtrisent
parfaitement pour l'avoir accommodée à toutes les sauces. Bref,
ils ne se sont pas foulé et ont fait comme pour eux.
Profession
potiche 7 mars 2001
La parité dans l'entreprise, c'est bien, à condition que chacun
sache quelle place est la sienne. Chez Alice, on aime visiblement que les
rôles soient attribués une fois pour toutes. Témoin, cette
annonce pour l'agence de communication Plein Cadre,
qui montre un buste ostensiblement féminin, avec pour sous-titre :
'Elle a beau être cadre, elle n'en est pas moins femme'. C'est une idée
entendue, un fait sur lequel il n'y a pas à revenir, la femme se définit
par son décolleté. Elle peut être cadre, ministre, général
de brigade, voire Présidente de la République, ce ne sont que
des hobbies ou des caprices pour se rendre intéressante. Son vrai métier,
c'est d'être désirable. Tout le reste est accessoire. Le cerveau,
c'est juste pour équilibrer la tête, pour éviter qu'elle
ne tombe en avant et cache les seins... Le plus affligeant, c'est que cette
pub fine et courtoise n'est pas née à la fin d'un banquet copieusement
arrosé entre rugbymen, mais au cours d'une séance de 'création'
dans l'une des plus grosses agences de pub parisiennes. Elle n'est pas le
fruit d'un concours de blagues vulgos entre machos fins cuits, mais d'une
mûre reflexion, menée par des gens dont la fonction est de s'appuyer
sur des désirs pour vendre une image ou un produit. Ce qui est vraiment
révoltant, dans le fait que les publicitaires nous assomment de pubs
qui considèrent la femme comme un pur objet d'agrément, c'est
que ces pubs sont justement destinées à nous séduire.
Donc, concrètement, à nous ramener à l'état de
primate. Le rêve du publicitaire, c'est de retourner à l'âge
des cavernes, où, pour faire agir l'être humain, il suffisait
d'appuyer sur le bouton 'pulsion'.
Fondamentalement, toutes ces publicités qui débordent de filles
plus ou moins nues lascivement offertes pour vendre des bagnoles ou des shampoings,
méprisent autant l'homme que la femme.
Parité
version cuir
21 mars 01
Quand l'humour des publicitaires rencontre celui des motards, on est en droit
d'attendre un résultat dont la finesse n'a d'égale que la courtoisie.
Avec la nouvelle campagne pour les motos Buell,
on n'est pas déçu. Les créatifs en Prada ont su se hisser
à la hauteur des machos en cuir et ont accouché d'une affiche
que tous les amateurs de deux roues bien gonflées seront fiers d'accrocher
dans leur chambrette. On y voit une bombe sexuelle vêtue exclusivement
de talons aiguilles, à quatre pattes comme il se doit, attendant qu'un
viril 'ange de l'enfer' vienne l'enfourcher pour une folle équipée
sauvage. Accroche : 'Épreuve N°8 : Son douzième fiancé
est mort d'une crise cardiaque. Remplacez-le au pied levé. Si vous
survivez à l'épreuve n°8, vous êtes mûr pour
l'épreuve ultime'. Laquelle consiste à faire vroum-vroum sur
la superbe motocyclette qui attend, elle aussi, qu'on la chevauche comme une
bête. Avec cette annonce, l'agence Alternative ne s'est pas contentée
de touiller dans la marmite des fantasmes préhistoriques qui animent
la libido du 'biker' moyen. Elle fait ouvertement référence
aux épreuves d'initiation brutales auxquelles sont soumis les candidats
Hell's Angels (les motos Buell font partie du groupe Harley-Davidson, la moto
de prédilection des Hell's). Autrement dit, pour 'communiquer', les
créatifs ont choisi de s'appuyer sur des bizutages violents et des
humiliations sexuelles. Sous des dehors de bande-dessinée pour adultes
un peu crétins, cette pub exalte les 'valeurs' de la vie en bande,
où la femme est dans le meilleur des cas un colifichet valorisant,
et dans le pire un paillasson sexuel qu'on partage entre copains. C'est d'ailleurs
bien à ça que sert la pin-up en haut de l'affiche : tout le
monde est invité à lui passer dessus. Pour toucher sa cible,
cette campagne n'hésite donc pas à faire la promo du viol collectif
comme rite initiatique. Comme on le disait, avec les publicitaires, on n'est
jamais déçu...
Le
nouvel Observateur 2001
" LE PORNO
C'EST DU VIOL"
Raffaëla Anderson a 24 ans et Karen Bach, 27. Ex-actrices de X, elles
incarnent deux tueuses-nées et montrent assez de talent pour nous émouvoir
et donner une âme à ce film de la haine
Le
Nouvel Observateur Comment avez-vous rencontré Virginie Despentes
? Karen Bach. Pensant à l'adaptation de son livre, elle a visionné
un jour "Exhibition 99", de John B. Root, dans lequel jouaient et
étaient interviewées une dizaine d'actrices de X. En nous voyant,
Raffaëla et moi, elle s'est dit : voici Manu, voici Nadine ! Elle sentait
bien que ni le hard ni le trash ne nous feraient peur. Alors, elle nous a
contactées en nous demandant de lire "Baise-moi".
N. O. Qu'en avez-vous pensé ? K. Bach. A la première
lecture, j'ai été un peu choquée. J'étais habituée
à une littérature, comment dire, plus classique. Et en même
temps, j'ai été envahie par une émotion incroyable. Raffaëla
Anderson. Moi aussi, j'ai été choquée. J'étais
opposée à beaucoup de scènes du livre, comme le meurtre
d'un enfant, une scène qui a été finalement retirée
du film. Il m'a fallu rencontrer Virginie Despentes pour comprendre ce qu'elle
voulait montrer, à savoir qu'il suffit d'un petit dérapage,
un concours de circonstances pour que, soudain, deux filles pètent
les plombs.
N. O. C'est la violence, beaucoup plus que les scènes X,
qui frappe dans ce "Tueurs-nés" au féminin dont la
rumeur voudrait faire un porno... K. Bach. On ne peut pas dire, en effet,
que ce soit un film très bandant ! Je pense que tous ceux qui iront
le voir pour de mauvaises raisons, c'est-à-dire pour le cul, vont être
surpris. "Baise-moi", c'est le film d'un ras-le-bol extrême,
d'une révolte contre la manière dont les femmes sont traitées,
bafouées, ignorées dans notre société. Alors,
pour bien enfoncer le clou, Virginie imagine deux filles complètement
folles dont, évidemment, les actes sont à la fois odieux et
répréhensibles... Mais ce qu'on sent, du moins je l'espère,
c'est que ces deux filles sont passées de la tendresse à la
haine par désespoir. R. Anderson. C'est parce qu'on partage ce
sentiment d'injustice et ce besoin de révolte qu'on a
toutes les deux accepté de faire ce film. Je voudrais qu'en sortant
de la projection les femmes réalisent combien elles ont été
souillées et que on peut toujours rêver les
hommes changent.
N. O. La scène du viol, au début du film,
est insoutenable. Comment avez-vous pu la tourner ? R. Anderson.
Elle est insoutenable à l'écran pour la simple et bonne raison
que le viol est insoutenable dans la réalité. Cette scène,
je peux l'avouer aujourd'hui, m'a posé beaucoup de problèmes.
J'en ai pleuré avant, j'en ai pleuré après. Je l'ai vraiment
vécue comme un vrai viol, je n'ai pas réussi dans ma tête
à me convaincre que c'était du cinéma... Une autre scène
a été très difficile, c'est celle où on tue une
femme devant un distributeur. Ça a l'air idiot à dire comme
ça, mais on ne massacre pas pour de l'argent. Pas facile, vous voyez,
de se débarrasser de sa conscience ! K. Bach. Disons-le franchement,
on n'aurait jamais supporté certains moments très durs du tournage
sans la présence attentionnée de Virginie Despentes et de son
équipe technique.
N. O. Vous parlez de ce tournage comme d'une épreuve. Pourtant,
vous avez été à rude école... K. Bach. Justement,
on avait enfin tourné la page du X. Quand nous avons été
contactées par Virginie, Raffaëla avait arrêté depuis
deux ans et moi, depuis trois mois. J'étais entrée dans le porno
par nécessité et je venais de prendre la décision ferme
et définitive de le quitter parce que je ne voulais plus me faire tripoter
par un autre homme que celui que j'aime. R. Anderson. Pour ma part,
je suis plus radicale que Karen. Je considère que, pour
une femme, le porno s'apparente à du viol. Oui, à
du viol ! K. Bach. A ce propos, je trouve très regrettable
que les films pornos soient désormais accessibles à
tout le monde, que les enfants puissent les voir à la télé,
les acheter en kiosques ou y accéder sur internet et
qu'on leur fasse croire que l'amour, c'est forcément un supermec qui
tronche une fille soumise, laquelle en prend plein la gueule.
N. O. Devenir une vraie comédienne, et non "une fille
soumise", était-ce votre rêve ? K. Bach. Moi, j'ai
toujours voulu faire de la comédie et de la musique... R. Anderson.
Et moi, de la danse et de la chanson. Mais jamais on n'a eu la naïveté
de penser que de tourner dans des films X pouvait nous mener à
devenir comédiennes. N. O. Mais pourquoi, ayant coupé
avec ce passé que vous détestez si fort, avez-vous accepté
de sacrifier à nouveau à des scènes pornos ? R. Anderson.
A partir du moment où elles sont justifiées par l'histoire,
à partir du moment où on part du postulat que les gens, criminels
ou pas, baisent dans la vie, que c'est biologique, je ne les considère
plus comme des scènes pornos. Je les ai acceptées avec la même
liberté que celle qui guide Manu et Nadine. Je n'ai pas eu l'impression
de jouer un rôle, j'ai eu le sentiment, la violence en moins, de jouer
ma propre vie. Mais je vous rassure : on n'ira pas jusqu'à tuer les
gens dans la rue... K. Bach. On a fait "ça" une dernière
fois, pour une réalisatrice et un projet qui en valaient la peine.
N. O. Comme simples spectatrices, quel cinéma aimez-vous
? R. Anderson. Les films sans sexe. Avec un faible pour Bourvil, de
Funès, Ventura, Marais et Gabin ! K. Bach. Je préfère
le cinéma américain au français, que je trouve un peu
tue-l'amour. N. O. Avez-vous vu " Romance ", de Catherine
Breillat ? R. Anderson. Non, aucune envie. K. Bach. Pas vu non
plus.
N. O. Vos projets ? R. Anderson. Dans l'immédiat,
participer le 24 juin, sur un char, à la Gay Pride. Et puis mon rêve
serait de tourner une comédie musicale avec Catherine Deneuve. Je l'ai
toujours admirée. Dans "les Voleurs", de Téchiné,
quand elle prend un bain avec Laurence Côte dans une baignoire, elle
est proprement bouleversante. K. Bach. Moi, avant d'envisager de nouveaux
projets, je prends le temps de savourer le présent. Je vais vous faire
un aveu : à 27 ans, c'est la première fois de ma vie que
je suis comblée : j'ai fait un film qui me plaît, je suis
amoureuse et je rêve d'avoir des enfants. R. Anderson. Moi aussi,
c'est la première fois que je suis heureuse et je n'y suis pas
encore vraiment habituée. Jérôme GARCIN
HARD
La
tueuse de " Baise-moi ", film choc de Virginie Despentes, raconte
dans un livre ses quatre années de hardeuse et brise l'omerta du X
Elle
boit de l'eau gazeuse et chipote un saumon poché. Elle refuse le café,
comme si c'était une drogue dure. " Je suis clean, moi ",
dit-elle en éclatant de rire. Un rire de collégienne dans un
visage pâle de pietà dont le peintre, pour signifier la secrète
blessure, eût exagéré les cernes. Un modèle de
Fra Angelico relooké " Loft Story " jogging et baskets.
Un petit mètre soixante de grâce animale. Entre deux phrases
émaillées de verlan, elle emploie des grands mots. Ils surprennent
dans une bouche qui en a vu d'autres : " morale ", " honnêteté
", " fidélité ", " fierté ".
Elle regrette de vivre à " l'époque du sexe et de l'argent
rois ". Elle vitupère la publicité, " de plus en plus
érotique ". Elle se prononce pour la protection des mineurs. Elle
est blessée qu'on la compare, dans certains journaux, à Catherine
Millet : " Je ne suis pas une partouzarde mondaine. Et je suis choquée
de lire qu'elle ferait de l'art avec son cul et moi, du fric. " Elle
refuse de voir les films de Catherine Breillat, qui la " saoule "
avec ses raisonnements à la tords-moi-le-noeud. Elle préfère
d'ailleurs les gueules de Bourvil, Gabin, Funès, Marais ou Ventura
aux 26 centimètres de Rocco Siffredi. Adolescente, elle en pinçait
pour Pamela Anderson ; aujourd'hui, son idole est Catherine Deneuve. Depuis
qu'elle l'a vue prendre un bain avec Laurence Côte dans " les Voleurs
", de Téchiné, elle rêve de rencontrer l'éternelle
" Belle de jour ". " Ce doit être une femme bien. "
Le bien, le mal, on n'en sort pas. Avec le recul, elle regrette même
d'être allée parler de son livre sur Canal+, à l'heure
du déjeuner, " car il y a des enfants qui regardent la télé
". Son livre ? " Hard ". Ecrit comme elle parle, à la
serpette, sans tricher. Une tranche de vie, bien saignante, genre macreuse.
Végétariens s'abstenir. L'histoire d'une lolita née dans
une cité du 93 où, parce que sa mère est française,
on la traite de "sale France couille". A 16 ans, elle claque la
porte familiale sur un passé dont on ne saura rien. (Où l'on
voit que la pudeur se mesure davantage à la manière de cacher
ses origines qu'à l'art de se déshabiller.) Deux ans plus tard,
pour gagner de l'argent, elle répond à une annonce de "Paris
Boum-Boum" : "Agence de casting recherche personnes majeures pour
tourner dans films. Débutants acceptés." Elle n'a jamais
bu une goutte d'alcool, elle est vierge et elle a besoin de défis.
La première scène qu'elle tourne ne lui déplaît
pas : " Tant qu'à se faire décapsuler, autant que ce soit
par un professionnel." Le soir, elle s'endort "aux anges",
encore étonnée d'avoir touché 1 500 francs pour cette
petite gymnastique. Flattée aussi qu'on ait admiré ses traits
de fillette et flatté ses gros seins. Elle vient d'entrer dans le monde
du X. Mais très vite ce qui ressemblait à un jeu devient un
cauchemar. Pas pour elle, qui a un fichu caractère et n'accepte que
les tournages propres, à l'ancienne, " façon Marc Dorcel
". Mais pour toutes les autres, ces filles de l'Est exilées sans
espoir de retour, soumises à l'abattage, contraintes à de véritables
séances de torture, et qui terminent leur brève carrière
en larmes, en sang, à l'hôpital. "Moi, j'ai eu de la chance
dans mon malheur. Or je suis terrifiée par l'évolution du X,
où l'on n'observe même pas le port de la capote, où l'on
jongle avec le sida. Et comme la clientèle en demande toujours plus,
l'industrie du porno ne cesse d'en rajouter. Au point que les actrices françaises
refusent d'entrer dans cette spirale infernale où il s'agit d'assouvir
les fantasmes de mecs pour qui le plaisir passe par la souffrance des filles."
L'ex-égérie de " La baise est dans le pré "
et d'" Exhibition 99 " a la haine. Son visage triangulaire de fennec
sauvage pourrait mordre. Car si elle a écrit ce livre pour qu'on la
" respecte ", elle l'a publié aussi pour prévenir
toutes les ingénues qu'émerveille encore la cérémonie
cannoise des Hot d'Or et que rassure la banalisation cathodique du X. "
Hard " ou l'enfer du décor. Un jour de 1995, alors qu'elle allait
acheter des cigarettes, deux mecs l'ont reconnue, embarquée
de force dans leur voiture et violée. Raffaëla Anderson
a porté plainte. Mais le procureur a jugé que, vu sa profession,
elle n'avait pas le profil d'une victime. A partir de ce moment, sa jeune
vie a basculé. " Croyez-moi ou pas, mais je faisais du lukesse
[Ndlr : porno] avec une sorte de pureté. Et ce viol m'a souillée.
Je me suis mise à boire, à me droguer, à
me dégoûter. J'étais prête à me
jeter sous le métro ou à me tirer une balle. Alors,
en 1998, j'ai décroché. J'ai exorcisé ma haine dans
"Baise-moi". J'ai repris ma fierté et mon entrejambe qu'on
m'avait volés. " Aujourd'hui, Raffaëla Anderson
doit apprendre à vivre sans argent facile. Elle aime désormais
une femme, revendique son homosexualité et s'apprête à
grimper, dans trois semaines, sur un char de la Gay Pride. Elle a encore envie
d'écrire, voire de réaliser des films. Mais elle ne veut pas
être comédienne. Elle ne supporterait plus de pleurer devant
une caméra. "Je me suis assez vendue comme ça. J'ai donné
mon corps, je ne donnerai pas ce que j'ai dans la tête." A 25 ans,
elle essaie pour la première fois de s'habituer au bonheur, et ce n'est
pas facile. Jerome GARCIN
Pourquoi
je suis Chienne de Garde
BAISE-MOI
Baises-moi
est peut-être un film pornographique. Baise-moi est peut-être
un film ultra-violent. Baise-moi est peut-être seulement un mauvais
film. Ce n'est ni le seul ni le dernier. Sa singularité vient du fait
qu'il a été réalisé par deux femmes, dont l'auteure
du même nom, Virgignie Despentes. Et alors ? Alors la violence, l'abjection,
le cul filmé façon hard, si ce sont des femmes qui le font,
c'est davantage choquant. Un peut comme quand on dit : " Un homme qui
boit, c'est laid, une femme, c'est pire
" On nous propose et impose
à longueur d'année des films ultra-violents et ultra-violants
- ils font partie du tout-venant. Mais qu'une femme s'aventure sur un terrain
qui n'est pas le sien, qu'elle donne à voir des hommes soumis à
la violence sexuelle, et ça devient insoutenable. Et le Conseil d'Etat
annule le visa d'exploitation du film. Quelques jours auparavant (ô
apparentements terrible !), le même Conseil d'Etat avait supprimé
la possibilité de distribution de la pilule du lendemain aux lycéennes.
La liberté de disposer de leur corps et la liberté d'expression
des femmes ne sont pas acquises.
Baise-moi n'est pas un film féministe. Là n'est pas la question.
C'est le film d'une femme qui a le droit de s'exprimer. Ce qui ne fait aucun
doute, c'est que ceux qui l'ont censuré sont antiféministes.
Ce film a autant le droit d'exister et d'être projeté que le
silence des Agneaux (tueur de femmes),Seven (images extrêmes) ou Reservoir
Dogs (ultra-violence). Ni plus ni moins.
Baise-moi a bénéficié, et tant mieux pour Virginie Despentes,
d'une couverture médiatique qui a jeté un autre regard sur les
films de cul, dans la mesure où il exprime un point de vue féminin,
et dans la mesure où les actrices principales viennent du cinéma
porno. Deux filles qui mettent des mots sur une réalité qu'elles
connaissent de l'intérieur et qui dynamite l'image habituelle de lapornographie.
Elles ont Karen Bach et Raffaëla Anderson pour pseudos. La bio de Raffaëlla
mentionne un viol à l'âge de dix-neuf ans. Elles sont deux jeunes
femmes qui parlent vrai. Pour une fois. Le 24 juillet 2000, la fameuse dernière
de couve de Libération leur est consacrée. Et leur langue n'est
pas de bois.
Raffaëla : " le porno, c'est des mecs qui jouissent sur la gueule
des filles. C'est l'homme qui baise la femme, la femme qui en prend plein
la tronche. Baise-moi, c'est le contraire. "
Karen : " Avant, je n'avais jamais joué une scène où
la fille prenait l'initiative. " " Les femmes sont des automates,
il y a chaque fois une fille, une nouvelle, " en larmes sur le plateau
"
" Elle se souvient " d'une double péné[tration]
par moins cinq degrés, dehors, [suivie d'une] éjaculation externe
". " J'étais couverte de sperme, trempée, morte de
froid. Personne ne m'a tendu une serviette. Ils se sont tous barrés.
Une fois que t'as tourné ta scène, tu vaux plus rien pour eux[
]
". " Le porno tue l'amour, tue le sexe, tue tout ",dit Raffaëla.
Il est rare et précieux d'entendre un tel langage. Libé publie,
c'est tout à leur honneur, cette sincérité inhabituelle
et aveuglante. [
]
Le 22 décembre 1999, la fameuse quatrième de couve de Libération
est consacrée à Grace Quek, actrice porno ayant battu le "record
" de gang bang avec 251hommes réceptionnés en dix heures.
L'article est illustré par une photo de l'actrice torse nu. Sa petite
bio jouxtant l'article mentionne qu'elle a été violée
à l'âge de dix-neuf ans (comme Raffaëla Anderson).Ces quelques
mots laissentsoudainentrevoirundécalage.Uneréalitéaffleure,moinsdistrayante
que ce que laisse supposer le ton distancé de l'article.]
Téléobs
mardi 7 septembre 1999
Manifeste des "chiennes de garde"
Bien décidées à lutter contre le sexisme, à
dénoncer chaque injure faite à une femme publique, plusieurs
centaines de personnalités ont décidé de former un groupe
de surveillance.
Les femmes politiques
sont-elles des hommes publics comme les autres? Nous vivons en démocratie.
Le débat est libre, mais tous les arguments ne sont pas légitimes.
Toute femme qui s'expose, qui s'affirme, qui s'affiche, court le risque d'être
traitée de "pute"; si elle réussit, elle est souvent
suspectée d'avoir "couché". Toute femme visible est
jugée sur son apparence et étiquetée: "mère",
"bonne copine", "bonne à tout faire", "lesbienne",
"putain", etc. Ça suffit! Nous, Chiennes de garde, nous montrons
les crocs.
Adresser une injure sexiste à une femme politique, c'est insulter toutes
les femmes. Nous nous engageons à manifester notre soutien aux femmes
publiques attaquées en tant que femmes. Nous affirmons la liberté
d'action et de choix de toutes les femmes. Le 8 mars 1999, Journée
internationale des femmes, certaines d'entre nous ont apporté leur
soutien à Dominique Voynet, ministre Verte insultée comme femme.
Ce n'était qu'un début. Nous, chiennes de garde, nous gardons
une valeur précieuse: la dignité des femmes.
Mode d'action du réseau: quand nous apprenons qu'une femme publique
a été attaquée avec des injures sexistes publiques, nous
intervenons, en envoyant un communiqué de soutien des Chiennes de garde
aux médias. Nous employons aussi d'autres moyens de diffusion et nous
imaginons des manifestations bien visibles. Pour qu'il soit facile de mettre
vite en uvre la procédure d'alerte, plusieurs signataires, parmi
les responsables du lancement de cet appel, se chargeront de la déclencher.
A bons entendeurs, salut! Ensemble, élevons le débat!
Parmi les 627 signataires (471 femmes, 48 hommes et 8 associations):
Isabelle Autissier, Roselyne Bachelot, Huguette Bouchardeau, Geneviève
Brisac, Pascal Bruckner, Christine Buci-Glucksmann, Cavanna, Madeleine Chapsal,
Yves Cochet, André Comte-Sponville, Michèle Cotta, Boris Cyrulnik,
Marie Darrieussecq, Régis Debray, Régine Deforges, Agnès
Desarthe, Jacques Dondoux, Olivier Duhamel, Michèle Fitoussi, Geneviève
Fraisse, Jean-Michel Gaillard, Jacques Gaillot, Françoise Gaspard,
Françoise Héritier, Stéphane Hessel, Janine Langlois-Glandier,
Hervé Le Bras, Alain Lipietz, Caroline Loeb, Marie-Victoire Louis,
Noël Mamère, Jean-Luc Mélenchon, Florence Montreynaud,
Véronique Nahoum-Grappe, Danièle Nees, Véronique Neiertz,
Pr Israël Nisand, Amélie Nothomb, Aline Pailler, Gilles Perrault,
Michelle Perrot, Yvette Roudy, Gonzague Saint-Bris, Claude Sarraute, Maren
Sell, Pierre-André Taguieff, Zabou.
Pourquoi nous
sommes encore FÉMINISTES en 2001 :
vingt bonnes raisons (au moins)
1. PARCE QUE nous voulons un monde de paix et de justice, où la dignité humaine soit respectée. Jean Mulatier, dessinateur
2. PARCE QUE nous demandons que hommes et femmes soient égaux en dignité, égaux en droits, et que ces droits soient appliqués. Agnès Kaspar, syndicaliste
3. PARCE QUE les deux tiers des analphabètes du monde sont des femmes et des filles. Alain Rey et Josette Rey-Debove, linguistes
4. PARCE QUE 99 % des terres cultivées du monde appartiennent à des hommes, alors que les femmes produisent 70 % des cultures vivrières. Parce que les femmes sont 70 % des plus pauvres du monde. Isabelle Autissier, navigatrice
5. PARCE QUE 84 % des parlementaires du monde sont des hommes, alors que les femmes sont plus de la moitié du corps électoral. Roselyne Bachelot, députée
6. PARCE QUE dans aucun pays les femmes ne bénéficient réellement de droits égaux à ceux des hommes. Parce que, en Afghanistan, les femmes subissent une barbarie inouïe et sont privées de tous les droits. Françoise Héritier, anthropologue, professeur au Collège de France
7. PARCE QUE, en France, à travail égal, les hommes gagnent 15 % de plus que les femmes et que, en moyenne, toutes professions confondues, ils gagnent 25 % de plus qu¹elles. Geneviève Fraisse, philosophe, députée européenne
8. PARCE QUE les hommes n'assurent que 20 % des tâches de la maison ainsi que des soins aux enfants, aux malades et aux personnes âgées de la famille. Alain Lipietz, économiste, député européen
9. PARCE QUE au moins un foyer sur dix est le lieu de violences graves dont les victimes sont à 95 % des femmes et des enfants. Cavanna, journaliste
10. PARCE QUE la sexualité entre adultes consentants apporte des plaisirs réciproques parmi les plus splendides qui soient, et qu'elle ne devrait pas être utilisée, en paroles ou en actions, pour blesser ou pour salir. André Comte-Sponville, philosophe ; Amélie Nothomb, écrivaine
11. PARCE QUE toute femme a déjà été traitée, dans la rue ou au volant par exemple, de "salope" ou de "connasse". Laure Adler, directrice de France-Culture
12. PARCE QUE la publicité représente trop souvent de manière dégradante les femmes, ainsi que les relations entre hommes et femmes (domaine d'intervention de La Meute ; site http://lameute.org.free.fr). Frédéric Beigbeder, écrivain
13. PARCE QUE dans le monde, chaque année, deux millions de petites filles sont excisées et s'ajoutent aux 100 millions de femmes mutilées du sexe. Olivier Duhamel, député européen
14. PARCE QUE nous appelons à résister à la violence du système machiste, qui exalte une virilité brutale et qui méprise les êtres différents : femmes, enfants, homosexuels, faibles, etc. Olympia Alberti, écrivaine ; Richard Poulin, sociologue ; Dominique Fourcade, écrivain ; Taslima Nasreen, écrivaine
15. PARCE QUE dans certains pays, la volonté politique et le travail féministe ont déjà fait changer les mentalités, au Canada ou en Europe du Nord par exemple. Michelle Perrot, historienne ; Paul Guimard, écrivain
16. PARCE QUE nous sommes solidaires des femmes et des filles qui, ici et ailleurs, sont maltraitées, humiliées, sous-payées, insultées, battues, violées. Nicole Abar, footballeuse (ancienne internationale) et présidente de l'association Liberté Aux Joueuses (LAJ)
17. PARCE QUE " le féminisme n'a jamais tué personne, alors que le machisme tue tous les jours " (phrase de Benoîte Groult, écrivaine, qui confirme).
18. PARCE QUE nous demandons une loi antisexiste sur le modèle de la loi française antiraciste de 1972, afin que les délits et les crimes sexistes soient reconnus comme tels et punis. Yvette Roudy, députée-maire, ancienne ministre des Droits de la femme ; Maud Tabachnik, écrivaine
19. PARCE QUE nous aspirons à l'idéal républicain de Liberté Égalité Fraternité ; parce que l'on pourrait remplacer fraternité par un nouveau mot, adelphité, pour mieux exprimer l'idée d'une solidarité harmonieuse entre tous les humains, femmes et hommes. Florence Montreynaud, écrivaine
20. PARCE QUE
" l'utopie d'aujourd'hui est la réalité de demain "
(Victor Hugo). Annie Ernaux, écrivaine
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Les
articles
et les discussions ci-dessous montrent que la presse a pris en compte
les revendications
du public au travers d'associations militant contre les abus du système publicitaire et en particulier des clichés sexistes qui y sont véhiculés dans une société où l'image a pris une importance majeure. |
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